CARNET DE VOYAGE DE DOCTEUR SALL

Dans ce carnet Docteur (Alhousseynou SALL) nous livre son constat, les réalisations et ce qui reste à faire des projets à Bababé.
Un véritable diagnostic de la situation dans les domaines de la santé et de l’éducation.

CARNET DE VOYAGE A BABABE

 

Tu rentres à la maison après une longue journée de travail. Assis sur ton canapé devant ta télé, tu dégustes ton thé soigneusement préparé. Soudain, le parfum de la menthe réveille des pensées nostalgiques qui te font voyager jusqu’à looti-ma.

Tu vois défiler des images de ta chère patrie, de ton enfance, de toi. Ton amour pour ta terre natale grandi, tu veux l’aimer encore plus et la chérir. Tu veux la rendre belle, plus belle que toutes les autres terres sur terre. Tu veux travailler pour elle, pour qu’elle se développe, pour que ses fils soient heureux et tu te demandes. Tu te demandes que faire pour rendre tout ce qu’elle t’a donné. Tu cherches alors par quoi commencer.

Tiens, ce document est pour toi. Je pense qu’il t’aidera à identifier les besoins de ton Bababé et te permettra de développer d’élégants projets à son profit.

Alhousseynou Sall
Ottawa, Canada
Le 30 Décembre 2010

Cher(e)s Compatriotes, cher(e)s ami(es) de Bababé,

Je suis rentré de Mauritanie après un séjour de 37 jours, dont 4 semaines passées à Bababé. J’ai pu profiter de ce voyage pour me ressourcer auprès des miens, mais aussi pour constater les progrès accomplis en matière de santé et d’éducation au sein de notre communauté. Dans ce document, je me permets de faire une modeste évaluation des résultats des efforts accomplis par celles et ceux qui se battent depuis ces deux dernières années pour sortir Bababé de sous développement. J’insiste sur le fait que tout ce qui sera dit dans ce document, relève de ma libre appréciation de la situation et n’engage que ma personne.

CHAPITRE I : SANTE

Campagne de Sensibilisation:
Comme certains avait pu le constater, le volet sensibilisation a été amputé du programme de la Seconde Edition de la Caravane Médicale de Bababé (2010). Ceci était dû au fait que je n’avais pas pu me libérer de mon travail en Août dernier pour aller à Bababé participer au travail. Cependant, en accord avec mes collègues de l’APSCB (Association des Professionnels de Santé de la Commune Bababé) et de DEHA (Damaaw Education and Health Association)-(http://damaaw.org), il était convenu que j’organise une campagne de sensibilisation dès ma venue à Bababé. Chose promise, chose faite !

Nous avons alors organisé deux journées de sensibilisation à Bababé au cours desquelles nous avons parlé des pathologies qui sont « d’actualités » chez nous a savoir le VIH/SIDA, les hépatites virales, la malaria et l’hypertension. J’ai été assisté par mes collègues M. Samboye Dème et Mme Houleye Ba qui étaient venus à Bababé pour la fête de Tabaski. Le Dr. Ba Alhousseynou devait être présent à ces journées mais a été retenu à Nouadhibou par une urgence familiale. Je tiens à remercier au passage M. Oussou (le boutiquier) qui nous a gracieusement prêté son matériel de sonorisation et M. Choybou Wane, le Directeur de l’école I qui a mis à notre disposition des chaises de son école.

Mis à part quelques soucis techniques, je dois dire que la campagne a été un succès. J’ai tout de même constaté une baisse de notre auditoire (une centaine de personne seulement) comparativement aux précédentes journées de sensibilisation. J’ai appris par la suite que l’information sur la tenue des journées n’avait pas bien circulée. D’ailleurs, de nombreuses personnes qui ne sont pas présentées au rendez-vous ont manifesté leur mécontentement pour n’avoir pas été informées. Nous avons eu la maladresse d’organiser la campagne deux et trois jours seulement près la fête de tabaski, une date qui ne convenait pas à tout le monde. Je m’en excuse et je prendrai compte de ces facteurs la prochaine fois.

Célébration de la Journée Mondiale de Lutte Contre le VIH/SIDA:
La journée était organisée par Word Vision, les Paires Educateurs de Bababé et le Centre de Soins Médicaux de Bababé. Le coup d’envoi était donné dans la matinée, dans les locaux de mairie, en présence de messieurs l’Adjoint au Maire (Fall Mika), le Préfet de Bababé (Nave o/ Lemana), le Commandant de la Brigade de Gendarmerie de Bababé (Ahmed o/ Mouhamed), le Représentant de World Vision (Massina Mamadou), le Major du Centre de Soins Médicaux de Bababé (Dr. Mohamed o/ El Mocktar), les membres du bureau de l’Association des Paires Educateurs de Bababé, et moi-même.

J’ai été choisi par mes collègues pour animer une conférence dans l’après midi, dont la thématique était je cite : « le droit des personnes vivant avec le VIH/SIDA ».

La conférence s’est tenue sur la place de la tribune. Comme pour la campagne sensibilisation, j’ai noté une baisse de l’auditoire et un manque dans l’organisation qui s’est traduit par des pannes répétitives du matériel de sonorisation.

Toutefois, nous avons terminé la journée sur une note positive. J’ai été satisfait par l’intérêt porté par les jeunes, en particulier les filles qui osent de plus en plus s’exprimer sur la sexualité. J’ai également noté un gain de maturité chez les jeunes qui participent sans complexe dans les débats et posent de très pertinentes questions.

De nombreuses personnalités étaient présentes à la conférence. Entre autres M. le Préfet, le Major du Centre de Soins Médicaux de Bababé, le Président (M. Samba Wonny), le Commissaire des Comptes (M. M’baye Abderrahmane) et le Secrétaire Général (M. Moussa Idy dit Gory) des Paires Educateurs.

Je tire mon chapeau aux Paires Educateurs pour leurs implications en ce qui a trait à l’éducation de la communauté en matière de VIH/SIDA. Ils ont joué un sketch riche en informations sur les voies de transmission du VIH/SIDA et les moyens de préventions.

A la fin de la journée, j’ai reçu le groupe à la maison, qui par la voix de son Président m’a retracé son historique, et m’a informé de ses accomplissements et de ses projets. Il a également a manifesté son profond désir de se doter d’un local à Bababé pour y installer son siège et de pouvoir recruter plus de membres formateurs.
Le groupe m’a choisi comme son Président d’honneur. Je lui exprime ici toute ma gratitude pour cet honneur et je m’engage de manière concrète à m’impliquer dans ses activités futures.

Etat actuel du Centre de Soins Médicaux de Bababé:
Comme vous le savez, le Centre de Soins Médicaux de Bababé est rénové dans son ensemble. Le Major du Centre le Dr. Mohamed o/ El Mokhtar nous a fait visité les locaux. La visite c’était déroulée en compagnie de M. le Préfet, du Commandant de la Brigade de Gendarmerie, de l’Adjoint au Maire et moi-même.

J’ai pu constater une nette amélioration au niveau des infrastructures. Une clôture digne du nom a été érigée autour du centre avec une magnifique façade à l’entrée. J’aurai tout de même souhaité voir l’apposition d’une plaque indicatrice du lieu. Une question de temps j’imagine !

Toutes les fissures du bâtiment ont été bouchées et les locaux sont revêtus d’une brillante couche de peinture. Certains bureaux sont équipés de climatiseurs flambant neufs et qui fonctionnent parfaitement. J’ai pourtant entendu des voix qui se plaignaient de la médiocrité du travail de réfection. Il semblerait que des fissures commencent à réapparaitre par endroits sur les murs. Je ne sais pas s’il faut attribuer cela à la médiocrité du travail ou à la qualité de notre sol. Je préfère ne pas juger.

Ceci dit, même si les locaux sont entièrement rénovés, le centre souffre d’un manque cruel de matériel. Les équipements sont pour la plupart incomplets, afonctionnels ou tout simplement absents.

La salle d’accouchement est dans un état pitoyable. Les « lits » qui accueillent les femmes et les nouveau-nés sont très abîmés. Les housses sont crasseuses et couvertes de rouille crachée par la ferraille.

Les courageuses accoucheuses m’ont exprimé leur difficulté à effectuer un travail convenable dans de telles conditions. « Nous réalisons plus de 30 accouchements chaque mois dans une salle ne disposant même pas du minimum nécessaire pour accueillir nos patientes » me confie l’une des sages femmes. « Une femme est décédée la semaine dernière d’une hémorragie après avoir accouché chez elle » me confie une autre.

En ce qui concerne le laboratoire d’analyses médicales, j’étais agréablement surpris de constater le nombre de tests qui y sont réalisables. Toutefois, réalisables ne veut pas dire réalisées. Car, malgré la présence d’un personnel qualifié, le laboratoire est sous équipé. Avec l’aide de la technicienne Mme El Mouna m/ Ehmaid Elma j’ai pu dresser une liste des besoins immédiats du laboratoire (Tableau).

Besoins Urgents en matériels
1- Centrifugeuse de paillasse
2- Centrifuge d’hématocrite
3- Agitateur Kline
4- Microscope
5- Jeux de pipettes (5ul, 25ul, 50ul et 100ul)
6- Embouts
7- Rhesuscope
8- Spectrophotomètre
9- Compteur hématologique

Pour ce qu’est de l’ambulance, elle a rendu l’âme depuis plusieurs mois. « La voiture (personnelle) de M. Fall a sauvé beaucoup de vies, on l’utilise très souvent pour aller chercher des malades dans des localités éloignées comme Abari ou Fora » me dit l’une des femmes.
 
Quand au bloc de chirurgie (et implants dentaires), son état est plus que déplorable. Le matériel qui provenait d’un don de FADES (Fonds Arabe pour le Développement Économique et Social), de l’année 1993, ne fonctionne plus depuis plus de 7 mois. Par conséquent, le dentiste (M. Fall Mika) est contraint d’arrêter la plupart de ses opérations depuis plusieurs mois.

La pharmacie et la salle de stockage de médicaments sont plus ou moins bien organisées, mais j’ai pu assister à une rupture de stocks d’un médicament d’urgence (Dexamethasone). La pharmacienne a expliqué que ce problème émane du retard pris par leurs fournisseurs à expédier leurs commandes. Une situation jugée inacceptable par M. le Préfet et le Major du centre, qui promettent de prendre des mesures nécessaires pour résoudre ce problème.

Remerciements :
Je tiens à remercier le Dr. Mohamed o/ El Mokhtar (le major) pour son acceuille chaleureux et pour m’avoir ouvert les portes de son Centre. Je remercie également Mme El mouna m/ Ehmaid (Laboratoire), Dia Alioune (infirmier), Madame Rakiyel Dème (bénévole), Tata m/ Moylik (bénévole), Toullaye (sagefemme), Mme Maimouna Siwa (pharmacienne), Wonny Sall (bénévole) et tous les autres membres du centre que je n’ai pas cité nommément ici (je m’en excuse).

CHAPITRE II : EDUCATION

Ecole de Bababé :
Comme vous le savez tous, l’école I de Bababé a été en grande partie rénovée. J’ai eu l’occasion de la visiter pour la première fois depuis la « fin » des travaux. Je n’ai aucun mot pour vous décrire ma joie quand j’ai vu la transformation des bâtiments et l’ambiance qui régnait dans la cours de l’école.

J’étais très heureux de pénétrer dans des salles de classes et de l’accueil chaleureux qui m’a été réservée par les élèves. J’étais accompagné au cours de cette visite par M. le Directeur M. Choybou Wane. Dans chaque classé, il a rappelé aux élèves les efforts mis ensemble par les jeunes de Bababé de la diaspora, celles/ceux sur place, de leurs ami(e)s, et de la commune, pour rénover l’école. Le Directeur m’a ouvert toutes les salles de classes que j’ai trouvées propres et bien rangées. Les élèves disposent de canaris d’eau bien posés dans un coin de la salle, de ballets et de sacs à poubelle pour tour maintenir les salles propres.

A la fin de ma visite, je me suis entretenu avec M. le Directeur dans son bureau pour évaluer de façon plus concrète les changements dans son établissement. Il dit que depuis la rénovation, l’état s’intéresse de plus en plus à l’école. Il dit également avoir noté la multiplication des demandes de personnes qui veulent venir étudier (élèves) ou travailler (enseignants) dans son établissement.

L’école est passée de 6 à 11 salles fonctionnelles et de 6 à 10 divisions pédagogiques dont une (1) première année, une (1) deuxième année, deux (2) troisièmes années, deux (2) quatrièmes années, deux (2) cinquièmes années et deux (2) sixièmes années.

La plupart des salles de classes sont équipées de tables-bancs dont une partie vient du programme lancé par son Excellence M. le Président de la République qui visait à équiper toutes les écoles du pays en tables-bancs. L’autre partie vient de l’action d’une ONG (je ne me souviens pas du nom, je m’en excuse) qui a financé la remise en état d’anciennes tables-bancs qui traînaient dans l’école.

Les élèves disposent également de toilettes descentes et fonctionnelles.

En ce qui concerne les besoins actuels de l’école M. le Directeur voit d’abord la nécessité de rehausser le mur de la clôture de 2 à 3 rangers de briques pour mieux protéger l’établissement des instruits. Par ailleurs, certaines classes sont encore surchargées et les élèves ne disposent pas de tables-bancs. D’où la nécessité de réfectionner les deux salles de classe inutilisables qui n’ont pas été remises en état lors de la précédente campagne de réfection. 

Nous avons ensemble évalué les besoins en tables-bancs que nous avons estimés à 100. M. le Directeur souhaite également mettre à la disposition de ses enseignants des armoires de rangements pour leurs permettre de protéger leurs matériel (livres, cahiers, règles, etc.).

Lycée de Bababé:
J’ai passé deux matinées au lycée auprès des élèves et des professeurs. J’étais surpris de la rapidité avec laquelle l’établissement grandi en terme d’infrastructures. De nombreuses nouvelles classes ont été construites. Cependant, j’étais profondément peiné de voir des élèves assis à même le sol pour prendre leurs cours – Je pensais que ce problème s’arrêtait juste au primaire-.

Au cours de ma visite, nous avons bien sûr discuté du manque de matériel (des tables-bancs en particulier), mais aussi du problème de déscolarisation massive des jeunes. J’ai sensibilisé les élèves sur l’importance de l’éducation en particulier pour les filles qui sont les plus touchées par le fléau (mariages précoces, accouchement, travaux domestiques, etc.).

Les professeurs m’ont fait part de leur inquiétude de la baisse du niveau des élèves. Il me semble que ce problème est une conséquence direct d’un manque d’encadrement qui commence dés le primaire.

Pour faire une évaluation personnelle de cette situation j’avais crée une petite école de nuit à ma maison. Chaque nuit je réunissais tous les élèves de mon voisinage à qui j’accordais 2 à 3 heures de mon temps pour les aider à faire leurs devoirs et revoir leurs leçons du jour. Vous n’allez pas me croire, mais j’ai constaté que le niveau est lamentable pour la quasi-totalité des élèves. J’ai vu des élèves du collège qui sont incapables de lire le Nouveau Syllabaire de Mamadou et Bineta.

Photos 14: ma petite école du soir à la maison (des élèves du primaire et du secondaire)

J’ai discuté avec les parents qui pour la plus part sont convaincus que la faute est aux enseignants qui ne font pas leur boulot. Mais à mon avis, la part de responsabilité des parents est très grande. Les parents se soucient peu de l’éducation de leurs enfants et je pense qu’il faut commencer par régler ce problème.
Bibliothèque (communale de Bababé):
Avant mon voyage en Mauritanie, Ibrahima Lamine (Abou Gogga) m’avait suggéré de m’entretenir avec M. Bernard Besse pour discuter avec lui du projet de DEHA qui voulait créer une bibliothèque à Bababé. M. Bernard Besse m’avait retracé l’historique de la bibliothèque municipale de Bababé dont j’ignorais l’existence. Il m’a mis en contact avec M. Sall Souleymane qui est l’actuel responsable de la Bibliothèque. M. Sall m’a fait visiter le local. Cette visite m’a permis de pouvoir donner mes propres appréciations.

Certes la salle est exiguë et délabrée, mais contrairement à ce que j’avais entendu, je pense que les livres de la bibliothèque sont en grande majorité de très bons livres qui peuvent bien servir aux élèves du primaire et du secondaire. C’est du gâchis d’avoir ce valeureux trésor qui dort dans la poussière depuis les années 80.

M. Sall Souleymane a d’ailleurs exprimé sa déception de ne voir personne venir réclamer les livres. Les élevés, les enseignants et les professeurs que j’ai pu rencontrer quand à eux, semblent ignorer l’existence même de la bibliothèque.

M. Souleymane Sall, M. Armya Sall et moi-même avons réfléchi sur une solution pour remettre la bibliothèque en marche. La solution au problème de salle semble déjà exister car, une salle de la mairie plus espacée et qui sert de débarras, pourrait bien accueillir la bibliothèque- une décision qui émanera des autorités bien certainement- En attendant une étude détaillée de la situation qui bien évidemment impliquera la mairie, DEHA et d’autres bonnes volontés (affaire à suivre).

En attendant, nous (M. Sall, Ball Ndiaye dit Ibou Maye et moi-même) avons nettoyé la salle (l’actuelle bibliothèque) et avons dépoussiéré les livres. Nous avons également pu libérer de l’espace dans la salle pour permettre aux plus motivés de venir travailler à la bibliothèque. J’ai profité de ma visite au lycée pour parler de l’existence de la bibliothèque.

Remerciements :
Je remercie M. Choybou Wane, M. Sall Souleymane et mon ami Ball Ndiaye (dit Ibou Maye).

CONCLUSION
J’espère que ces informations vous serons utiles et vous permettrons de mesurer les besoins de notre communauté et de réfléchir à des solutions adéquates et durables. Nos précédentes réalisons sont louables et montrent une fois de plus que si chacun participe à la hauteur de ses moyens, nous arriverons à faire de belles choses. Bon courage !

Alhousseynou Sall
Ottawa, Canada
Le 30 Décembre 2010

Source  :  Koyle-Info via koyle.blogspot le 09/03/2011

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