Le rapport qu’il a rendu à l’issue de cet audit serait accablant pour les dirigeants de la société pour la période prise en compte. L’Audit aurait notamment permis de découvrir un scandale de détournement de 49 millions de dollars US soit plus de 11 milliards UM.
Ce qu’on peut désormais appeler Affaire SONIMEX- BCM a commencé en 2008, à cette époque le gouvernement avait décidé suite à la flambée des prix de prendre des mesures afin de garantir un approvisionnement régulier et à des prix raisonnables du marché. Pour ce faire un plan spécial d’intervention est mis en place avec comme objectif celui de mettre à la disposition des importateurs mauritaniens 40.000.000 USD devant être empruntés par la BCM auprès de la BID, avec la garantie de l’Etat.
Mais finalement ce fut bizarrement la BCM qui va accorder une ligne de crédit de 48.000.000 USD au profit de la SONIMEX en l’absence de toute garantie.
Ce financement a été conclu le 22 avril 2008, dans le cadre d’une Convention signée entre le Directeur Général de la SONIMEX, M. Moulaye El Arbi Ould Moulaye Mohamed et le Gouverneur de la Banque Centrale.
La seule obligation à laquelle était soumise la SONIMEX pour rembourser le financement de ses importations par la Banque Centrale consistait à domicilier les recettes des ventes sur un compte ouvert à la BCM.
Bien sûr le directeur général de la Sonimex s’empressera doublier cet engagement comme du reste continuera à l’ignorer royalement Ould Aggat qui lui succédera le 26 octobre 2008.
En avançant cet argent la BCM ignorait-elle la situation financière de la SONIMEX qui tenait en deux points qui auraient eu de quoi alerter n’importe quelle banque devant accorder une ligne de crédit même de quelques milliers de dollars.
Tout d’abord le Directeur Général de la SONIMEX avait dissimulé à la BCM qu’il avait consenti « en catimini » une hypothèque sur les biens immobiliers du siège de la société au profit de la BNM face à un compte courant débiteur de plus de 2 milliards UM.
Cet acte signé le 5 mars 2008 en toute illégalité, sans l’autorisation du Conseil d’Administration de la SONIMEX et à l’insu de son Ministre des tutelles, allait être le premier signe de l’intérêt sans limite porté par M. Moulaye El Arbi Ould Moulaye Mohamed à la BNM au détriment de ceux de la SONIMEX dont l’Etat est l’actionnaire à plus de 60%.
Par ailleurs entre les 2 et 18 avril 2008, M. Moulaye El Arbi Ould Moulaye Mohamed a passé au nom de la SONIMEX des commandes auprès de fournisseurs, dont NOVEL, pour près de 49.000.000 USD, sans l’autorisation du Comité de Gestion comme le prévu dans les statuts, sans appel d’offres et en l’absence du moindre accord de financement.
C’est donc en masquant les difficultés de solvabilité de la SONIMEX que le Directeur Général obtenait un découvert bancaire de la BCM pour un montant qui atteindra au final près de 49.000.000.000 USD, soit plus de plus de 11 milliards UM.
Ce financement viendra pour ainsi à dire à point puisque précisément la BNM avait refusé d’ouvrir des lettres de crédits pour les achats du 2 au 18 avril 2008.
Autrement dit, ce qui n’a pas été accepté par une simple banque commerciale pour des raisons de prudence l’a été par la Banque Centrale sans la moindre garantie et en faisant reposer son remboursement uniquement sur la domiciliation des recettes des importations financées par la BCM sur le compte SONIMEX ouvert dans ses livres.
Il était à l’époque notoire que M. Moulaye El Arbi Ould Moulaye Mohamed, très proche de l’ancien Premier Ministre Zein Ould Zeidane, également soutenu par l’ex-Président de la République, a été de ce fait imposé à la BCM.
L’Audit démontrerait que ce Directeur Général n’a jamais eu l’intention de remplir ses obligations pour rembourser la BCM, puisque dès le départ et à partir de mai 2008, suite aux premières livraisons des importations financées par la BCM à hauteur de 11,5 milliards UM les recettes ont été principalement « détournées » vers…la BNM !!!
L’Audit révèlerait également que M. Moulaye El Arbi Ould Moulaye Mohamed s’est lancé entre les 2 et 18 avril 2008 dans des contrats qui soulèvent des pratiques de surfacturations pour le moins condamnables et notamment avec la société NOVEL dirigée par un compatriote domiciliée à Genève en Suisse et qui est un trader connu notamment pour le riz en Afrique de l’Ouest.
A titre d’exemple le 16 avril 2008, le contrat entre la SONIMEX et NOVEL portait sur une commande de 40.000. tonnes de riz pour plus de 31.000.000 USD.
Cette commande comprenait 15.750 tonnes, signée par le Directeur Général pour un montant global de 11.888.500 USD.
Après le départ de M. Moulaye El Arbi Ould Moulaye Mohamed de la SONIMEX en octobre 2008, la livraison n’ayant pu se faire en temps voulu, le riz a donc été sérieusement renégocié à la baisse pour être en définitive accepté par NOVEL au prix de…7.840.000 USD !!!
Si en fin de compte ce riz n’a pas été livré, les éléments qui s’y rapportent mettent en évidence une fâcheuse tendance pour M. Moulaye El Arbi Ould Moulaye Mohamed à avoir tout mis de coté, dont notamment les appels d’offres et le Comité de Gestion de la SONIMEX, pour régler sans contrôle des achats surfacturés comme le fait ressortir l’Audit sur d’autres cas cette fois concrètement établis, avec les conséquences que l’on peut imaginer.
Le détournement des recettes au profit du compte SONIMEX à la BNM mis en place par M. M. Moulaye El Arbi Ould Moulaye Mohamed lui a donné l’occasion de dilapider les fonds destinées à la BCM en l’absence de tout contrôle et ce pour satisfaire des surfacturations, mais aussi et surtout pour permettre à la BNM en ouvrant de nouvelles lettres de crédit, de percevoir à ce titre des frais et commissions aux montants exorbitants (près de 900 millions UM) et réduire le découvert bancaire dans ses livres.
Ainsi, si en avril 2008 le découvert du compte SONIMEX à la BNM s’est élevé à plus de 3 milliards UM en octobre 2008, il était redescendu à 9 millions UM au moment où M. Moulaye El Arbi Ould Moulaye Mohamed quittait la SONIMEX.
Selon le rapport de l’Audit le système mis en place par M. Moulaye El Arbi Ould Moulaye Mohamed au profit de la BNM a incontestablement conduit la SONIMEX à la faillite et la Banque Centrale à devoir subir un préjudice de près de 49.000.000 USD. Il faut souligner que cette somme correspond au quart de ses réserves nationales ce qui est sans doute pour quelque chose dans l’instabilité actuelle de la monnaie du pays.
Le grave préjudice dont a été victime la BCM, était jusqu’ici soumis à la « loi du silence » manifestement destinée à protéger les auteurs et bénéficiaires de cette machination contre les intérêts de l’Etat. Mais un premier audit du cabinet Deloitte avait permis de découvrir le pot aux roses c’est-à-dire un trou à la BCM de 49 millions de dollars. Aujourd’hui avec la confirmation de ce gap par un autre audit réalisé en aval le scandale est sorti au grand jour.
Il appartient maintenant à la justice qui a été saisie de l’affaire de demander des comptes aux auteurs de ces malversations, afin que la BCM puisse enfin être remboursées de ses 11 milliards UM qui sont en définitives des fonds publics qui appartiennent à tous les mauritaniens.
BC
Source : Le Quotidien de Nouakchott le 07/03/2011