Les Libyennes s’engagent dans le soulèvement sans sortir de la tradition

Dans les effluves de peinture, Najah Kablan s’active à la confection des banderoles de la révolution libyenne. De nombreuses femmes participent à la mobilisation, sans pour autant s’écarter du rôle qui leur est assigné dans une société conservatrice.

 

 

« Je viens apporter ma contribution », explique Najah Kablan, inspectrice d’anglais dans l’enseignement scolaire, voilée comme la grande majorité des Libyennes. « Nous recueillons les slogans inventés par les gens pour les inscrire sur des affiches et les mettre dans la rue ».

« Mes deux fils sont là aussi, nous travaillons en famille », ajoute-t-elle, dans une salle du tribunal de Benghazi (est) reconvertie en atelier de l’insurrection.

En face de la corniche qui longe la Méditerranée, une barrière maintient les hommes à distance des femmes regroupées sur le perron du tribunal.

« Nous apportons de l’eau et des vivres aux manifestants », affirme Najwa al-Tir, une jeune fille coquettement voilée, qui a revêtu l’uniforme des volontaires. « Nous resterons ici jusqu’à ce que (le dirigeant libyen Mouammar) Kadhafi parte, 42 ans ça suffit, on veut la liberté! », s’exclame cette employée d’une compagnie pétrolière.

« C’est la tradition de manifester séparément des hommes et je préfère ça », assure-t-elle. « Mes parents m’encouragent à m’impliquer dans le mouvement », indique Zoha al-Mansouri, étudiante en anglais et fille unique. « Je ne crois pas que la relation entre hommes et femmes change après la chute du régime », ajoute-t-elle.

Naïma Yamani, qui a amené ses enfants pour qu’ils se fassent peindre le visage aux couleurs du premier drapeau de la Libye indépendante, sous la monarchie, assure être « présente depuis le début ».

« Nous n’avons pas eu peur parce que nous sommes tous unis », estime-t-elle.

« Sur les 13 membres de la coalition de la révolution, il y a trois femmes, dont deux non voilées », remarque Hanaa el-Gallal, une des porte-parole du soulèvement, dont le voile laisse apparaître une partie des cheveux. « Avec les hommes, nous avons pleuré ensemble, partagé les succès ensemble », se remémore-t-elle.

« Mais à l’extérieur, étant donné que nous sommes musulmans, les hommes tiennent à protéger les femmes, tout comme les enfants, pour qu’ils ne soient pas bousculés », poursuit Hanaa el-Gallal, juriste spécialisée dans le droit international et les droits de l’Homme.

L’exubérance des manifestantes n’a pourtant rien à envier à celle de leurs camarades masculins.

« Kadhafi est un grand menteur, personne ne veut de lui! », s’époumone Fatma al-Madgoub, en réaction aux déclarations du dirigeant libyen qui présente ses opposants comme des groupes isolés. « Qu’il aille en Israël, il n’a rien à faire dans ce pays! », fulmine-t-elle.

De fait, aucune Libyenne n’accorde apparemment crédit au colonel Kadhafi pour les avancées des droits des femmes sous son régime. « On pourrait considérer qu’on lui doit ça, mais il l’a fait uniquement pour créer le chaos dans la société, c’est ainsi qu’il a toujours agi », accuse Hanaa el-Gallal.

« Nos mères portaient des robes courtes », ajoute cette divorcée de 40 ans, mère de deux enfants, « mais parce que Kadhafi est allé trop loin dans l’ouverture de la société, nous avons décidé de porter le voile ». « Le +Livre vert+ dit beaucoup de choses très agréables sur les femmes », reconnaît-elle au sujet de la doctrine officielle du régime Kadhafi, « mais ce n’est pas ce qui est appliqué en réalité ».

Source  :  AFP via Jeune Afrique le 28/02/2011

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