Libye : le bilan de la repression s’alourdit

De nouvelles manifestations se déroulaient ce dimanche 20 février à Benghazi, dans l’est de la Libye, où les protestataires ont encore essuyé des tirs, a déclaré à l’AFP un avocat, Mohammed al-Mughrabi, joint par téléphone.

 

Des milliers de personnes manifestent devant un tribunal de Benghazi. Et d’autres « attaquent la garnison, ils affrontent des tirs », a assuré cet avocat. Selon lui, « au moins 200 personnes » sont mortes à Benghazi, deuxième ville du pays et bastion de l’opposition à 1.000 km à l’est de Tripoli, depuis le début de la contestation mardi, mais personne pour le moment ne pouvait être joint à l’hôpital de la ville pour confirmer ce chiffre.

Selon des témoins joints par l’AFP, des heurts sanglants ont aussi éclaté samedi à Musratha, à 200 km à l’est de la capitale, et des dizaines d’avocats ont participé dimanche à un sit-in de protestation contre la répression devant le tribunal de Tripoli.

Au moins 173 personnes ont été tuées en Libye depuis le début de la contestation mardi, a affirmé, de son côté, l’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch (HRW), citant des sources médicales et des témoins.

« Il s’agit d’un chiffre encore incomplet basé sur des sources hospitalières contactées dans l’est de la Libye », dans quatre villes dont Benghazi, a déclaré à l’AFP le directeur de HRW à Londres, Tom Porteous. « Il y a aussi un très grand nombre de blessés », a ajouté Tom Porteous, sans pouvoir donner de chiffre. « Selon des sources médicales en Libye, les blessures sont caractéristiques de blessures à l’arme lourde. » Le bilan de HRW porte sur des violences commises entre mardi et samedi, a précisé Tom Porteous. Un précédent bilan de HRW faisait état d’au moins 104 morts.

Selon un décompte de l’AFP établi à partir de différentes sources libyennes, le bilan de cinq jours de contestation contre le régime du colonel Kadhafi,  s’élevait à au moins 77 morts, la plupart à Benghazi (est), deuxième ville du pays et bastion de l’opposition.

Benghazi, théâtre de « massacres »

 

Benghazi, bastion de l’opposition, est devenue le théâtre de « massacres », a affirmé Fathi Terbeel, un des organisateurs des manifestations, sur la chaîne Al-Jazira. « Cela ressemble à une zone de guerre ouverte entre les manifestants et les forces de sécurité ».

Selon des témoins joints par l’AFP, de nombreux manifestants avaient été tués samedi lors d’une tentative d’assaut contre une caserne, située sur la route menant au cimetière.

« Nous demandons à la Croix Rouge d’envoyer des hôpitaux de campagne. Nous ne pouvons plus faire face », a déclaré l’avocat Mohammed Mughrabi.

Un membre du personnel de l’hôpital Al-Jalal à Benghazi a déclaré à HRW que l’établissement avait reçu samedi plus de 20 morts entre 15h et 21h, et que 25 blessés étaient dans un état critique, a ajouté M. Porteous. « La majorité des blessés présentaient des blessures par balles à la tête, au cou et aux épaules », a-t-il ajouté.

 

Contestation internationale

 

« Il semble que le leader libyen ait ordonné à ses forces de sécurité de mettre fin à tout prix aux manifestations, et que les Libyens soient en train de payer ce prix de leur vie », a dénoncé Amnesty International.

La Ligue arabe a appelé dimanche dans un communiqué « à cesser immédiatement tous les actes de violence et à ne pas utiliser la force contre les manifestations pacifiques », en faisant part de son « extrême tristesse » pour les victimes en Libye, à Bahreïn et au Yémen.

Le chef de la diplomatie britannique William Hague a affirmé dimanche qu’il soulèverait la question des violences en Libye lors d’une réunion des ministres européens des Affaires étrangères lundi à Bruxelles et a « encouragé » les pays arabes à « condamner » la répression.

Son homologue canadienne, Lawrence Cannon, a appelé le gouvernement libyen à ouvrir « un dialogue pacifique » avec la rue.

Plusieurs pays occidentaux se préparaient à évacuer leurs ressortissants, tandis que la Turquie a déjà rapatrié environ 250 personnes depuis samedi. L’un d’eux, Osman Horoz, employé dans une entreprise de BTP à Benghazi, a affirmé qu’il y avait eu « des attaques contre les étrangers ».

 

Violences et incidents dans plusieurs villes

 

Des « incidents » ont aussi eu lieu samedi soir dans certaines banlieues de Tripoli, notamment à Fachloum et Tajoura, où des coups de feu ont été entendus, selon des témoins cités par des opposants résidant à l’étranger.

En outre, un haut responsable libyen a déclaré dimanche à l’AFP qu’un « groupe d’extrémistes islamistes » retenait en otage des membres des forces de l’ordre et des citoyens à Al-Baïda, dans l’est du pays. Le groupe menaçait d’exécuter ses otages si les forces de l’ordre ne levaient pas le siège autour de lui.

Parallèlement, les autorités ont annoncé avoir arrêté dans « certaines villes » des dizaines de ressortissants arabes appartenant à un « réseau » ayant pour mission de déstabiliser le pays, a rapporté l’agence officielle libyenne Jana.

Des témoignages concordants faisaient en revanche état de prisonniers libérés par les autorités, en particulier à Tripoli et Zaouia.

Une tentative de sabotage sur des puits de pétrole au sud de Tripoli échoué dans la nuit de samedi à dimanche, a indiqué une source officielle faisant état de deux personnes blessées et de six Libyens arrêtés.

Le colonel Kadhafi, au pouvoir depuis plus de 40 ans, n’a toujours pas fait de déclaration officielle depuis le début du mouvement mardi.

Source  :  Le Nouvel Observateur le 20/02/2011

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