Editorial de Mariem mint DERWICH

KASSATAYA (16/02/2011). Que ce fut bon d’entendre Ibrahima Mokhtar Sarr parler en puular lors de la rencontre débat organisée par la coalition des Partis de la Majorité.

 

 

Devant un auditoire en partie médusé, le leader de l’AJD MR a rappelé aux mauritaniens que notre pays n’est pas un mais pluriel.

Quoiqu’en disent les purs et durs d’une arabisation forcée et imposée.

Quand IMS a fait son allocution en puular des voix indignées se sont élevées, clamant qu’elles ne comprenaient rien à ses paroles et réclamant, sinon un discours en arabe, au moins un discours en français.

Ces mêmes vertueuses indignations n’avaient pas fait le même ramdam quand, au moment où des leaders politiques usaient de la langue arabe, il n’y avait aucun traducteur et que, alors, c’était à IMS de ne pas comprendre les discours.

Et depuis cette réunion les passions se déchaînent. Pour les uns IMS met en danger l’unité nationale.

Pour d’autres il est le héros de la journée.

Cette tempête résume à elle seule toutes les contradictions de notre pays, avec la question primordiale : quelle(s) langue(s) pour quelle(s) identité(s).

Depuis des décennies un nationalisme arabe des plus éhontés lamine, patiemment, toutes les composantes considérées comme non arabes de la Mauritanie, à coups de lois, de voyages vers la Libye, d’apologie d’un mixage de baathisme et de nassérisme ( pourtant contradictoires dans leur essence), de diktats, de ségrégations linguistiques, de culture unifiée et monocolore…

« La Mauritanie est Arabe, ses fils sont Arabes, sa langue est l’Arabe », clament ils partout.

Sa poésie est arabe, ses talents musicaux « représentatifs » sont arabes ( il n’y à qu’à se rappeler la pitoyable émission sur les jeunes talents mauritaniens où n’étaient représentés que les artistes maures), déroulent ils sur un air pesant de diktats ségrégationnistes.

Tout est fait, au plus haut niveau, pour réduire notre pays à ce mensonge d’une arabité fantasmée et imposée.

A la télévision les émissions intéressantes sont en arabe. A la radio idem. Dans la presse privée (électronique par exemple), seuls les sites d’informations exclusivement en arabe relatent l’information de façon continue. Parfois une page en français, mais non actualisée.

Les discours à la Nation du Président sont en arabe. L’école est en arabe. La culture est en arabe.

Et sur le bord du chemin de tant d’arabité restent les oubliés de l’Histoire de la Mauritanie.

Ceux qui rappellent que la Mauritanie n’est pas une mais multiple; que la Mauritanie se dit en Puular aussi, et en Soninké, et en Français, en Hassaniya et en Wolof.

Que la Mauritanie n’est pas la Péninsule Arabique ,qu’elle est le résultat de mélanges, de peuples et sociétés différentes un jour réunies sous le même drapeau.

Que la Mauritanie, contrairement au vieux fantasme véhiculé par les troupes coloniales, n’est pas que « le Pays des Maures ».

Que la Mauritanie ne se résume pas à Chinguetty et à l’Adrar ou au Tiris mais qu’elle s’appelle aussi Kaédi, Boghé, Maghama, M’Bout, Guidimakha, Gorgol, Fouta…

Alors quand nos Arabes plus arabes que les autres plissent le nez en entendant un homme politique mauritanien s’adresser à eux en puular ( langue nationale rappelons le) , qu’ils se souviennent que leur mépris et leurs cris d’orfraie cachent une réalité misérable : hormis l’arabe ils ne savent pas parler une autre de nos langues nationales.

A l’heure où l’on parle des Etats Généraux prochains de l’Éducation Nationale, il serait bien que nos politiques réfléchissent à ces partitions forcées que l’on sent venir dans notre pays.

Un geste fort serait que, dans les toutes petites classes, chaque enfant de ce pays apprenne les autres langues, par exemple.

Pas pour faire beau : mais tout simplement pour survivre et vivre dans un pays dont la beauté était le métissage et les différentes cultures.

Alors merci Monsieur SARR d’avoir rappelé au pays que le puular fait partie de la Nation.

Merci d’avoir mis le nez des indignés de service dans la réalité des choses : notre pays a choisi, malheureusement, le chemin du négationnisme de la mémoire, de toutes les mémoires.

Puisse notre Président en visite dans la belle ville de Chinguetty se souvenir que ce morceau de notre patrimoine fut fondé par les Soninkés.

Et puisse t’il rêver à une Mauritanie pacifiée où tous ses fils seraient dignes d’elle.

La seule Mauritanie viable et fière : un pays multiple.

Et si, pour cela, il faut des traducteurs à chaque réunion, tant pis.

Quand allons nous, enfin, nous redécouvrir les uns les autres?

 

Mariem mint DERWICH

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