Du Rififi à l’ambassade de Mauritanie à Paris

Accusations et manigances.

 

L’accusation de malversations financières, à l’encontre du colonel N’diaye N’diawar, attaché de défense, près l’ambassade de Mauritanie, à Paris, est, semble-t-il, l’arbre qui cache la forêt. Cette tentative de diversion masque, mal, le climat délétère qui enveloppe notre représentation diplomatique en Hexagone. Au fait, que reproche-t-on au colonel N’diawar, à ce jour? Voué aux gémonies, sur le Net, cet officier, un des plus compétents au plan strictement militaire, c’est vouloir, d’abord, saper le travail de l’IGE et, ensuite, entacher, à travers lui, la crédibilité de l’Armée nationale. Ce colonel, en fait, est victime de sa simplicité légendaire qu’on a tendance à assimiler, par mégarde, à un imparable «laxisme». Il a suffi d’un contrôle de deux inspecteurs principaux du ministère des Finances pour que l’aiguille aimantée du «fleuron» de notre diplomatie, dans le monde, se mette à délirer, crachant un semblant de «scandale de bacchanales» qui transgresse l’entendement. Jugez par vous-mêmes.

Tout a commencé le 13 octobre 2010, lorsque Mohamed Lemine Ould El Haj Sidi, nouveau chargé des affaires consulaires, prend fonction. Selon les renseignements recueillis, l’homme veut se «soustraire» des anciennes méthodes consulaires, synonymes d’immobilisme et de gabegie. Pour cela, il choisit, comme credo, la transparence, aussi bien dans l’octroi de visas que dans le volet de l’état-civil. Selon les mêmes sources, les chefs hiérarchiques du nouveau consul ne veulent pas coopérer; au contraire, on a «essayé,  par toutes sortes de subterfuges, de briser son élan», dans la conduite des affaires, en coupant son téléphone, en immobilisant son véhicule de fonction, en le privant de secrétariat qualifié, en refusant de remplacer les timbres, quand il y a rupture de stock, etc. Ses visites, aux foyers où résident nombre de ressortissants mauritaniens, sont un «non-événement», selon sa hiérarchie et d’après toujours notre source. Bref, on aurait tout fait, afin de gripper ou d’entamer, par des moyens peu orthodoxes, sa volonté de changer le visage du consulat de Mauritanie à Paris, en espérant trouver un alibi qui mettrait en évidence son «incapacité» à diligenter les affaires consulaires. Mais l’homme sait, en diplomate avisé, que toutes ces «turpitudes» n’ont, pour origine, que le seul appât du gain cueilli de l’octroi de visas et du volet de l’état-civil. Aussi, pour verser, au nouveau comptable, Yahya Kane, l’argent récolté, Ould Haj Sidi exige-t-il un reçu, en contre-partie. Des rumeurs attestent qu’il aurait versé, à l’ambassade, la somme de 140.000 euros, en trois mois, d’octobre 2010 à janvier 2011. Selon notre source ci-dessus mentionnée, c’est au moment où le consul a eu l’intime conviction que l’argent n’était pas intégralement transmis au Trésor public mauritanien que celui-là a sollicité l’intervention de l’IGE. L’arrivée des contrôleurs a, paraît-il, semé la panique, à l’ambassade. Du jamais vu. D’après un chauffeur de notre représentation diplomatique, les W.C n’auraient pas désempli, ce jour-là. Plus sérieusement, que se passe-t-il, chez nos diplomates en France? Notre ambassadrice est-elle bien conseillée? Son nouveau comptable est-il à la hauteur de sa tâche?

 

Une diplomatie chancelante

Depuis l’époque de l’empire byzantin qui a, le premier, fourni le modèle d’une organisation diplomatique, en place des légations, les ambassades ont toujours été le reflet, le miroir des Etats qu’elles représentent. Que ces Etats soient grands ou petits, qu’importe, tant qu’on peut faire fructifier les relations, valoriser le politique, l’économique et le culturel, tout en s’acquittant des droits et devoirs à l’égard des concitoyens.

Depuis les années 60 où Moktar Ould Daddah et Hamdi Ould Mouknass firent connaître, au monde entier, notre pays soudainement surgi des sables, on a l’impression que notre diplomatie se singularise et nos diplomates se muent en légats, pour cause de circonstances déterminées. Il suffisait de décliner sa nationalité à un africain, qu’il soit du Lesotho ou de Monastir en Tunisie, pour se voir préciser «le Pays d’Ould Daddah». Actuellement, il est difficile, pour le moindre citoyen du monde né après les années 70, de situer la Mauritanie sur une mappemonde. C’est que, depuis 1980, notre diplomatie a pris un coup de grisou, la déviant de sa trame traditionnelle afin l’assujettir. Son baromètre de représentativité, c’est Paris, bien que la Mauritanie soit, à 100%, musulmane, n’en déplaise à Djeddah. Or, ce qui s’est passé, des années durant, et qui se passe, actuellement, à l’ambassade de Mauritanie à Paris, avec des bons d’argent qu’on subtilise au bureau du consul, en changeant sa serrure, des milliers de timbres disparus, le simple cachet faisant foi, etc. Des manières à la «James Bond 007» ont rempli la coupe à ras bord. On sait que, depuis le temps de Maaouya, les premières dames de Mauritanie ont pris la fâcheuse habitude d’élire domicile à la résidence de l’ambassadeur, occupant, ainsi, un pan entier de celle-ci, avec domestiques, courtisans, marmaille, etc., réduisant, alors, le représentant de la république et, donc, du peuple mauritanien, en un concierge, et usurpant, ainsi, sa légitimité, dans son extraterritorialité, lui et sa famille. Tant que ce «ballet diplomatique» pas comme les autres sévira, notre chancellerie ira en chancelant. On crut que l’arrivée du général Mohamed Ould Abdel Aziz, à la magistrature suprême, allait changer les données, lui qui était, jusqu’ en 2009, en contact direct avec «le peuple d’en bas», connaissant ses aspirations et ses revendications. L’actuelle résidence de l’ambassadeur est tellement vaste qu’elle pourrait même contenir le personnel de l’ambassade. Ainsi la représentation diplomatique, Rue Montevideo, serait-elle en mesure de devenir et le consulat et la résidence du consul, avec ses trois étages. Crise monétaire oblige.

A moins qu’on ne veuille, pour cause de restrictions budgétaires, aller plus loin, en adoptant la notion d’ambassadeurs «hors les murs» basés à Nouakchott, sans locaux permanents dans les pays où ils sont accrédités. Certains pays développés le font et cette diplomatie siérait si bien aux anciens nomades que nous sommes. Le plus important ici est de rester en contact avec tous les ressortissants mauritaniens pour leur état-civil surtout: mariages, décès, naissances, domiciliations des étudiants etc. Il suffit d’y mettre la volonté politique.

ELY OULD KROMBELE, correspondant permanent à Paris

Source  :  Le Calame le 25/01/2011

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page