Remaniement ministériel : Le président a les coudées plus franches!

Entre exigences de stabilité gouvernementale et envie de changements efficients, on se demande comment le président pourrait s’y prendre.

Il a, indéniablement, les coudées politiques plus franches aujourd’hui, avec l’écho favorable de son offre de dialogue auprès de l’Opposition.Petit à petit, un consensus, une normalisation politique même, semble s’installer en Mauritanie. La reconnaissance officielle par les principaux partis d’Opposition des résultats de l’élection présidentielle du 18 juillet 2009 a certainement contribué au dégel dans les relations entre le président de la République et les leaders charismatiques de l’Opposition. Qu’il s’agisse de Ahmed Ould Daddah du RFD ou encore de Messaoud Ould Boulkheir de l’APP, ces principaux ténors de l’Opposition ont rencontré, plusieurs fois ces derniers temps, le président de la République, signe d’une évolution notable dans leurs relations politiques. A noter que le leader des islamistes Jemil Ould Mansour avait inauguré cette reconnaissance. Si cette posture était bien loisible pour le RFD qui, du reste, est indépendant de la COD, cela ne paraissait pas si évident pour le leader de l’APP dont le parti forme le plus grand parti au sein de la Coordination de l’Opposition démocratique (COD) auquel se sont arrimées d’autres petites formations de l’Opposition.

Remaniement ministériel, un premier acte?
Avec son déficit de charisme notoire et l’extravagance de l’action de certains de ses ministres, le gouvernement de Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, déjà remanié une première fois, en mars 2010, se savait en sursis. L’accumulation des défis comme la lutte contre le terrorisme, la mauvaise gestion des promesses de Bruxelles et la quasi-inaction de beaucoup de départements qui ont mauvaise presse pourraient peut être convaincre le président de la République de tourner cette page. Cependant, le président Mohamed Ould Abdelaziz sait mieux que quiconque combien l’instabilité gouvernementale risque d’être préjudiciable à l’efficacité du gouvernement et donc à son propre programme politique pour lequel 52% des mauritaniens lui ont accordé leur confiance. En effet, l’expérience politique rappelle que l’instabilité gouvernementale dans le passé a souvent été indexée comme un retour perpétuel à la case-départ. Elle a surtout contribué à dévaloriser la fonction ministérielle et précipiter la dilapidation des deniers publics. Néanmoins, le gouvernement de Moulaye Ould Mohamed Laghdaf, lui-même depuis trois ans aux affaires, ne donne pas entière satisfaction. Donnée chaque fois partante, cette équipe légèrement remodelée, une première fois, est quand même d’une longévité que n’explique pas son action. L’on se rappelle même que le président de la République a dû descendre dans l’arène pour lui donner un coup…de fouet. Mais elle ne semble pas, si l’on exceptait peut être la ministre des affaires étrangères, trop bouger. On a même l’impression que le premier Ministre gère du surplace depuis bientôt plus d’une année maintenant. Ce climat gouvernemental morose pourrait convaincre le président de la République, dans sa quête d’efficacité, d’aller dans le sens d’un changement voire d’une rupture totale avec ce modèle d’action.

Les convictions présidentielles ébranlées?
Les citoyens mauritaniens réclament probablement un changement du gouvernement. Et même prestement. Mais est-ce la solution au marasme qu’ils croient vivre? En tout cas, si ses convictions n’ont pas changé, le président Mohamed Ould Abdelaziz avait, en août dernier, balayé du revers de la main toute éventualité de mise en place d’un gouvernement de strapontins où chaque parti serait représenté dans une constellation d’intérêts politiques au détriment d’une démocratie où chacun est appelé à jouer son rôle. «Le Pouvoir doit exercer ses prérogatives et l’Opposition doit le surveiller». Telles étaient les convictions du président déroulées dans le débat public avec les populations, en août 2010. Pourtant, depuis que le RFD a sorti son communiqué, reconnaissant officiellement les résultats de l’élection présidentielle et le rapprochement remarqué avec Messoud Ould Boulkheir, président de l’APP et président de l’Assemblée nationale -de loin les leaders politiques les plus importants au sein de l’Opposition- la rumeur se refuse encore de croire à autre chose qu’un marché politique entre les différents acteurs. Ce marché, disons-le tout de suite, serait en relation avec l’entrée au gouvernement de ces deux partis. Serait-ce suffisant à souder tout le personnel politique autour d’idéaux communs comme le développement économique et social du pays, la chasse aux prévaricateurs, le renforcement de l’Unité nationale ou encore le respect des droits de l’Homme. L’appel du président de la République, au tournant du cinquantenaire de l’Indépendance nationale, exprime en tout cas sa prédisposition au dialogue. Un appel que la COD (ou ce qui en reste) semble entendre pour ne pas être en reste de l’éventuel partage. L’appel signifie-t-il pour autant l’entrée de l’Opposition au futur gouvernement? Comment pourrait se présenter ce second remaniement de l’ère Aziz? Le président de la République auquel les observateurs accordent une volonté de changement de son équipe gouvernementale va-t-il aller jusqu’au bout de sa logique d’un Pouvoir qui gouverne et d’une Opposition qui s’oppose? Dans son discours, il précisait qu’il restait «attaché à l’esprit d’ouverture et de concertation (…) avec les différentes forces politiques nationales». Et le président de poursuivre : «Nous exprimons, ici, notre entière disposition à engager un dialogue franc avec les partis de l’opposition, que nous invitons à participer de manière engagée à l’œuvre de construction nationale dans l’intérêt supérieur de la nation et pour la garantie d’un avenir radieux à notre peuple».
Autant de gages qu’il a voulu donner pour rappeler l’importance du rôle de l’Opposition en démocratie. Si cet apaisement avec les principaux ténors de l’Opposition a des effets bénéfiques notamment dans la recherche d’un consensus nationale autour de questions cruciales comme la lutte contre le terrorisme ou la restauration de la crédibilité de l’Etat, pour bons nombre d’observateurs, le président Mohamed Ould Abdelaziz n’a pas changé d’un iota dans sa perception du jeu politique dans une démocratie pluraliste.
Dans cet ordre d’idées, il est bien évident que dans le camp du président de la République, l’ouverture ne peut signifier autre chose que «la concertation sur les questions stratégiques pour le pays».
Quoiqu’il en soit, l’on ne peut présager de la configuration politique d’un éventuel gouvernement disparate où toute l’Opposition serait représentée. Ce qui constitue un énième sursis pour l’équipe de Moulaye Ould Mohamed Laghdaf en attendant le véritable épilogue.

Jedna DEIDA

Source  :  Le Quotidien de Nouakchott le 02/12/2010

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