ORGANIGRAMME D’AL-QAIDA AU MAGHREB ISLAMIQUE

Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) défraye tristement l’actualité depuis plusieurs années. Depuis quelques temps, la branche sahélienne du mouvement s’en prend directement aux étrangers en procédant à des enlèvements qui se terminent parfois en assassinats. Comment cette organisation islamique fondamentaliste forte de moins d’un millier d’activistes peut-elle tenir tête à l’ensemble des forces de sécurité algériennes, mauritaniennes, nigériennes, tunisiennes, libyennes et Marocaines épaulées par Washington et Paris ? – La première explication réside dans l’étendue de leur zone d’action qui couvre presque tout le Maghreb et une grande partie du Sahel. Ce qui équivaut à peu près en superficie à l’ensemble de l’Europe occidentale. Autant retrouver une aiguille dans une botte de foin !

– La deuxième explication tient au fait qu’au sein d’AQMI, malgré la structure hiérarchique pyramidale, chaque entité agit avec une très grande indépendance de décision et d’action.

– La troisième est que ses chefs ont une expérience indéniable de la vie clandestine et de la guérilla, la plupart ayant été formés au Pakistan ou en Afghanistan. De plus, ces derniers ont survécu à des années de lutte clandestine, ce qui démontre leur réel professionnalisme.

– Enfin, la quatrième réside dans la différence de moyens des Etat engagés dans la lutte et surtout, à leurs intérêts parfois divergents quand ils ne sont pas radicalement opposés. A titre d’exemple, le Maroc la Tunisie et la Libye ne participent pas aux structures conjointes de lutte antiterroriste qui sont en train de se mettre en place à l’initiative d’Alger. En outre, ce pays qui est leader dans la lutte contre AQMI ne voit pas d’un bon œil les interventions de Paris et Washington. Les Etats-Unis ont parfaitement intégré la complexité du problème si bien que leur commandement de l’AFRICACOM reste prudemment installé en Allemagne…

L’émir d’AQMI

Abdelmalek Droukdel – alias Abou Moussab Abdelwadoud, en hommage à son modèle qui portait le même pseudonyme : Al-Zarqawi [1] – est l’émir d’AQMI. Cet ingénieur algérien né en 1970 préside le Conseil des Sages ( Majlis al-Ayam ), l’organe qui est à la tête du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) depuis 2004. Il a transformé le GSPC en AQMI en 2007.

Droukdel a connu l’Afghanistan où il s’est initié au combat. Il a comme mentor le Docteur Al-Zawahiri, le numéro deux d’Al-Qaida. Il séjourne habituellement à l’est d’Alger, dans la « 2e région militaire ». C’est dans cette zone qu’AQMI a ses racines. Sur le plan purement opérationnel, Droukdel contrôle également le nord de l’Algérie qui se compose de trois autres « régions militaires » : la 3e située à l’ouest d’Alger, la 1ère au sud d’Alger et la 5e sur la frontière tunisienne.

Ainsi, c’est au nord de l’Algérie qu’il y a le plus d’attentats et d’attaques contre les forces de sécurité. Les étrangers doivent y respecter des règles de sécurité draconiennes car ils constituent des objectifs de choix pour AQMI.

Le sud de l’Algérie et le Sahel

En 2007  Droukdel a placé à la tête « 9e région militaire », couvrant le sud de l’Algérie et le Sahel, un de ses plus proches fidèles : Yahia Djouadi, alias Abou Amar dit l’« émir du Sahara ». Cet homme d’une quarantaine d’année est un combattant chevronné qui s’est livré à de nombreux attentats et kidnappings. Il aurait en particulier participé à l’enlèvement en 2003 de 32 touristes de nationalités suisse, allemande et néerlandaise, ainsi qu’à celui de deux touristes autrichiens en 2008.

Le problème de Djouadi est qu’il n’a réellement de contrôle sur les groupes qui agissent en Algérie, dans les régions de Tamanrasset, d’Adrar, d’Ilizi et de Ouarga, et encore … En particulier, il semble n’avoir aucune influence réelle sur les deux chefs de katibas actives au Sahel : Mokhtar Belmokhtar et Abou Zeïd.

En effet, en 2007, Yahia Djouadi a pris la place de Massoud Abdelkader Mokhtar Belmokhtar – alias Abou Al-Abbes ou Laaouar le « borgne » – car ce dernier montrait trop d’indépendance avec la direction d’AQMI. En fait, il y a longtemps que Belmokhtar a mis de côté le combat religieux au profit de sa spécialité : la contrebande, ce qui le fait surnommer «  Mr. Marlboro  ». Toutefois, AQMI ne peut se passer de ses services puisque c’est lui qui est son principal fournisseur en armes et en véhicules. Il contrôle également de nombreux trafics dont celui de la drogue (cocaïne en provenance d’Amérique latine et héroïne d’Extrême Orient), des êtres humains, des cigarettes, etc. Il a épousé trois filles de notables touaregs, ce qui lui permet d’être chez lui au Sahel. S’il écume principalement le nord du Mali, à la tête de sa katiba Al-Moulathamoun, il a étendu sa zone d’action à la Mauritanie.

L’autre chef de katibas qui semble échapper au contrôle de Djouadi est Abid Hammadou, plus connu sous le nom d’Abdelhamid Abou Zeïd. Agé de 45 ans, il dirige une katiba qui écume le nord du Mali et le Niger. Ancien membre du Front islamique du salut (FIS), il rejoint le maquis en 1990 et s’installe dans la 5e région militaire du GSPC, sur la frontière tunisienne, en 1996. Au début des années 2000, il descend vers le sud et devient un lieutenant de Belmokhtar. Totalement convaincu de la justesse de la « cause », il prend le commandement opérationnel d’une autre katiba ( Tariq Ibn Ziyad ou El Fatihine , dirigée précédemment par Yahia Djouadi) et se livre notamment à la prise d’otages.

Abou Zeïd a participé à l’enlèvement des touristes au Sahara en 2003. Il faisait même partie de l’équipe des négociateurs pour le compte d’Abderrazak le Para [2]. Il est le premier à assassiner ses prisonniers (Edwin Dyer en 2009 et Michel Germaneau en 2010), l’attrait de l’argent ne passant pour lui qu’au troisième plan : le premier étant la guerre psychologique, le second l’échange des otages contre des activistes du mouvement emprisonnés. Avec le temps, Abou Zeïd est devenu un idéaliste pur et dur avec lequel il est extrêmement difficile de dialoguer. Bien que reconnaissant officiellement l’« autorité » de la hiérarchie d’AQMI, il agit selon son bon vouloir et parfois, l’impression qu’il donne est que Droukdel est son simple porte-parole.

Il est aisé d’en déduire que le sort des sept otages enlevés par ses hommes et des touaregs à sa solde sur le site d’Arlit exploité par Areva, au Niger, est très préoccupant.

  • [1] Citoyen jordanien qui dirigeait Al-Qaida en Irak. Tué en 2006, il avait fait preuve d’une particulière cruauté en assassinant lui-même des prisonniers et en déclenchant de nombreux attentats suicide qui visaient des populations civiles.
  • [2] Arrêté en 2004.
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    Alain RodierSource  :  Centre Français de Recherche sur le Renseignement le 02/11/2010

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