Aujourd’hui, de nombreux Mauritaniens âgés d’une vingtaine d’années sont professeurs à l’université, médecins, ingénieurs, responsables militaires, journalistes et même chefs de partis politiques face à des responsables politiques plus âgés. Certains analystes voient ce phénomène comme « un signe fort du besoin de revoir l’héritage culturel local ».
Jiddou Ould Ahmed, président de l’Union des jeunes démocrates (UJD), a expliqué à Magharebia que son parti cherche à supprimer « toutes les coutumes et les attitudes qui marginalisent les jeunes, notamment l’idée selon laquelle les jeunes ne sont pas qualifiés pour diriger du fait de leur âge, et que les leaders plus âgés seront toujours meilleurs ».
« La majorité des jeunes dans la Mauritanie d’aujourd’hui sont diplômés des universités et d’instituts nationaux et internationaux, tandis que l’ancienne génération ne dispose pas des mêmes qualifications et que ses membres n’ont, pour la plupart, reçu aucun enseignement universitaire », a expliqué Ould Ahmed.
« La nouvelle génération est prête à traiter avec l’ancienne avec tout le respect et l’appréciation nécessaires, au-delà des idées préconçues », a expliqué le président de l’UJD. « Nous leur apportons de l’énergie et ils nous apportent leur expérience. »
Ould Ahmed a expliqué chercher à « renouveler la classe politique dans le pays et à ce que les jeunes soient plus présents au parlement et au gouvernement, ainsi qu’à plusieurs postes de décision ».
« Nous savons que certains jeunes peuvent considérer la voie de l’extrémisme par suite de leur marginalisation par l’ancienne génération, et c’est la raison pour laquelle nous cherchons à construire une couche sociale de jeunes aux idées libérales », a-t-il expliqué à Magharebia.
Mais tous les membres de l’ancienne génération ne sont pas pour autant disposés à confier aux jeunes les clés du pouvoir.
« La responsabilité est une chose importante, qui demande une maturité qu’une personne ne peut avoir avant l’âge de 40 ans », a déclaré l’administrateur Dah Ould Mohamed, âgé de 58 ans. « Les jeunes se caractérisent par leur témérité, leur caractère impulsif, leur passion et leur amour de l’aventure, qui ne sont pas des choses désirables en matière de leadership et peuvent avoir des conséquences catastrophiques. »
« L’ancienne génération est sage et possède une riche expérience qui la rend plus sensible aux diverses dimensions de la prise de décision et de l’adoption de positions en situation d’urgence », a-t-il ajouté. « Le fait que les jeunes aient un bon niveau d’éducation, qui soit de qualité, ne leur permet pas de prendre le statut de l’ancienne génération qui a porté et porte encore la nation mauritanienne. »
Lemrabott Ould Lemine, étudiant en sociologie, a expliqué à Magharebia qu’il est normal qu’existe une sorte de conflit entre les deux générations, parce que la génération de l’Indépendance est celle qui tient les rênes des diverses institutions en Mauritanie, créant un sentiment d’injustice parmi les jeunes qui sont impatients de diriger.
« Par essence, la culture mauritanienne a tendance à glorifier les anciens et à dénigrer les jeunes et leurs rêves, et il est probable que de nombreux adages populaires témoignent encore de cette mentalité, a-t-il expliqué.
« Par exemple, un proverbe affirme : « Une personne âgée courbée peut voir des choses qu’une personne jeune bien droite ne peut voir », voulant dire que la bonne vision des choses revient aux anciens, et non l’inverse », a-t-il ajouté.
Mariam Mint Elbou, une historienne, explique cette question d’un point de vue historique, en affirmant que cette différence est due aux modifications des conditions de vie.
« Le problème est que la communauté a été déplacée du désert vers les villes, et que le style de vie a changé, mais pas les mentalités. Dans l’inconscient collectif, les anciens restent la pierre angulaire de toute mobilité sociale, économique et même du développement, et l’image des jeunes reste celle qu’ils avaient dans le désert il y a des décennies. »
« Le chômage en Mauritanie frappe toujours dans les rangs des jeunes, et non des anciens, un phénomène qu’il convient d’étudier comme moyen de contenir certaines mentalités qui n’ont pas leur place dans le développement économique et social de l’Etat mauritanien », a-t-elle ajouté.
Mohamed Yahya Ould Abdel Wedoud
Source : Magharebia le 19/11/2010