Difficile, en effet, de faire du neuf avec du vieux, quelles que soient la bonne volonté et l’ambition de ce vieux, ou plus exactement, de ces vieux, dont je suis.
A notre âge, nous ne nous cherchons plus et nous devons être de moins en moins enclins à chercher. Nous devons avoir des principes de vie et d’actions qui conviennent à notre maturité. Nous ne pouvons plus changer chaque jour et à chaque occasion. On ne nous croirait plus. Mais certains ne prennent pas de précautions.
Cessons, entre autres défauts, d’être en première ligne des marches de soutien de celui-ci ou de celui qui l’a renversé ou remplacé. Certains d’entre nous l’on fait pendant ces cinquante dernières années, en faveur de tous ceux qui nous ont dirigés, quelles que soient les contradictions. Sans amour propre et sans vergogne. Espérons que les opportunités ne s’en présenteront plus et que les applaudisseurs sans conviction, sont fatigués.
Cessons d’être au premier rang des meetings, surtout quand nous n’y sommes pas désirés ou que notre seule contribution est notre apparition, plutôt gênante. Notre seul souci étant de nous faire remarquer avec nos grands turbans qui cachent la rangée de derrière, avec nos grandes barbes blanches, ou au contraire nos visages bien rasés pour faire jeunes. N’avoir jamais « marché » ou n’être jamais entré au Palais des Congrès, ne fait aucun mal. Je l’ai vérifié tout en restant bon citoyen, électeur discret et sensible au bien-être de mon pays. La modestie, voire l’humilité, est un signe de bonne santé morale à notre âge. Mais il nous reste encore à faire! Nous continuons d’exister, et utilement, je l’espère.
En ces moments de souvenirs et de bilan, racontons plutôt. Les personnes âgées aiment raconter, et les jeunes aiment les écouter s’ils y trouvent à apprendre. Racontons l’Histoire de ces cinquante dernières années d’indépendance que nous avons eu la chance de vivre, certains d’entre nous en ayant été des acteurs. Racontons-les à nos successeurs immédiats et aux plus jeunes, sincèrement, sans détours, et sans parti pris. La jeunesse est, généralement en quête d’idéal. Cela mène parfois aux idéologies étrangères. Mais si cet idéal peut être déduit de l’expérience vécue dans notre pays, c’est tant mieux. Si les personnages-phares de notre vision peuvent être des nôtres, c’est encore mieux et cela donne des repères à notre marche vers le futur.
S’agissant, justement, de personnage-phare, il est remarquable que Mohamed ould Abdel Aziz, au cours de sa campagne électorale, s’était volontairement affiché en photo jumelée avec celle de Moktar Ould Daddah illustre premier président de la République Islamique de Mauritanie. Ce qui ne lui a pas porté malheur. Au contraire! Cela a plu. Cela a été sublime.
Il est plus remarquable, encore, que le Président ait donné le nom de Moktar Ould Daddah à la plus prestigieuse avenue de notre capitale, qu’il avait auparavant reconstruite, élargie, illuminée, plantée d’arbres d’ornement, et de signaux de circulation lumineux. Et elle mène au Palais des Congrès, haut lieu unique de rencontres internationales à Nouakchott. Ce geste est, durablement, d’une portée considérable et honore son auteur. D ’autres avenues, semblables, ont été également réalisées. Le visage de la ville en a changé.
Mais, et surtout, le Président Mohamed ould Abdel Aziz, qui ne doit rien à Moktar Ould Daddah -n’ayant pas été son contemporain- a honoré et réhabilité le père-fondateur de la nation, que d’autres, qui lui doivent tout, avaient trahi et humilié.
Et voilà que, par un hasard béni, le premier président de notre pays rencontre l’actuel, celui qui boucle les cinquante années de notre Indépendance.
Mais la chaîne de mes souvenirs, sur cette période n’est pas bouclée et se poursuivra, si possible, avec d’autres récits d’événements importants, certes gênants pour certains, mais absolument authentiques.
A bientôt inchaallah
Mohamed Baba Fall
Cadre supérieur à la retraite.
Source : GPS le 17/11/2010