Marché d’Assainissement de Nouakchott : Très forte odeur de surfacturation.

En février 2010, le ministre mauritanien de l’Hydraulique et de l’Assainissement, M. Mohamed Lemine Ould Aboye et la directrice adjointe de la société chinoise, China Gezhouba Group International Corporation, CGGC, Mme Ma Ying Ying ont signé un mémorandum d’entente confiant à la société chinoise la réalisation de la première étape du plan d’assainissement de la ville Nouakchott.

En vertu de cet accord, l’entreprise chinoise se chargera de la réalisation de travaux d’assainissement à Nouakchott.

En principe, CGGC devait donner son premier coup de pioche avant la fin de l’année pour une durée des travaux de trois ans et demie. Le marché comprend le plan d’assainissement de quatre moughataas; Tevragh Zeina, El-Mina, Sebkha et le Ksar.
Le projet de 42 mois comprend principalement la conception, la fourniture de matériel, la construction ou l’installation et la mise en service des installations telles que les réseaux de canalisations des eaux usées, réseau de canalisations d’eau de pluie, station de pompage des eaux usées, station de pompage d’eau de pluie (étang / infiltration), usine de traitement des eaux usées, et des locaux administratifs devant abriter la Direction de l’Assainissement.

Cependant il est étonnant que le ministre des Affaires économiques Sidi Ould Tah se déplace à Pékin accompagné du conseiller Ahmedou Ould Ely, cadre compétent et rompu aux négociations pour aller signer en catimini la convention avec les chinois. D’ailleurs ce ministre est parait –il coutumier du travail en « solo », sans témoins et sans aucun collaborateur. De sorte que les bailleurs de fonds et les entreprises notamment chinoises restent en tête à tête avec lui !

Toujours est il que Sidi Ould Tah aurait obtenu le financement des travaux par l’Eximbank of China pour la somme de 199 millions de dollars pour les quatre moughataa concernées. Ce marché qui sent fortement la surfacturation, souffre de plusieurs tares. Tout d’abord et à quelques semaines du démarrage des travaux, aucun bureau d’étude pour le contrôle et le suivi n’a encore été recruté. Donc aucune entité hors la direction de l’assainissement n’a pu évaluer la solution préconisée par l’entreprise chinoise.

Pour ce qui est du coût, une étude réalisée par un bureau d’étude marocain à la demande de la Banque Mondiale avait chiffré les travaux pour l’assainissement des neufs Moughataa de Nouakchott à la somme de 28 666 000 000 ouguiya soit à peu près 51 millions de dollars.

Ce prix comprend un réseau des eaux usées, des stations de pompage et de relevage, des dispositifs d’assainissement individuel pour les quartiers les plus pauvres (7500 unités), l’étude et réalisation de la digue de protection de la ville contre l’immersion des eaux de la mer, une station d’épuration par boues activées à faible charge (Pole A), l’aménagement des lits de séchage pour la vidange des fosses septiques au niveau des sites d’épuration…

Alors comment se fait il que les coûts soient multiplié par quatre sans aucun travail supplémentaire, bien au contraire. Il y a là un mystère que seul le négociateur Sidi Ould Tah peut expliquer.

Il faut rappeler que la ville de Nouakchott n’est actuellement dotée que d’un réseau d’assainissement en majorité de type pseudo-séparatif qui couvre une partie de Tevragh Zeina. La longueur linéaire totale de ce réseau est de 69 km dont 31 km non fonctionnels. Les eaux usées collectées débouchent dans la station d’épuration existante, de type chenal d’oxydation, réalisée depuis 1960 et qui est implantée actuellement en plein centre ville.

Ce réseau ne couvre que partiellement la Moughataa de Tevragh Zeina avec un taux de raccordement global de 4% seulement. Un deuxième réseau réalisé dans les années 80 (non fonctionnel) d’un linéaire de 31km avec trois stations de refoulement, n’a pas été réceptionné ; néanmoins des branchements clandestins y ont été réalisés.

Ces ouvrages se trouvent actuellement dans un état dégradé et il est pratiquement impossible de localiser les regards. Compte tenu de l’age des conduites, de l’agressivité du milieu de pose (attaque extérieure) et de la prolifération du gaz (H2S) à l’intérieur des conduites (attaque intérieure) ces ouvrages sont désormais irrécupérables.

La capacité de la station d’épuration existante couvre les zones assainies par un réseau collectif, mais l’état vétuste de ses équipements ne lui permet pas d’assurer un traitement des effluents dans les normes requises, alors que les eaux épurées étaient réutilisées en aval pour l’arrosage des zones maraîchères. Par ailleurs la ville est aussi dépourvue d’un réseau de collecte des eaux pluviales exposant certaines zones basses à un véritable risque d’inondation.

En effet, si l’urbanisation de la ville avait pris naissance sur le plateau dunaire dont la côte du terrain est assez haute, par la suite, l’urbanisation s’est développée à l’horizontal et d’une manière anarchique sur des terrains situés à des côtes de plus en plus basses avec une topographie plate intercalée par des zones au-dessous du NGM (stagnation prolongée par manque d’infiltration).

Certains carrefours de la ville sont néanmoins raccordés par des avaloirs au réseau des eaux usées pour drainer les eaux de ruissellement mais, freiné par la capacité hydraulique limitée du réseau et des stations de pompage, le ruissellement des eaux pluviales demeure critique puisqu’il bloque la circulation, pendant les heures de pluie, au niveau du centre ville et dans certains quartiers résidentiels.

Le Gouvernement mauritanien avait initié une première étude en 1999/2000 portant sur l’établissement d’un plan Directeur d’Assainissement de la ville de Nouakchott sur financement du FADES.

L’urgence ne justifie pas la complaisance.

Compte tenu de l’arrivée des eaux de l’Aftout et des inondations répétitives et suite à une recommandation des bailleurs de fonds à l’occasion d’une réunion tenue en Juin 2006 à Nouakchott, le Gouvernement a procédé à la réactualisation de l’étude du plan Directeur de l’Assainissement en 2007/2008 et c’est le résultat de cette actualisation qui nous permet aujourd’hui de penser que le marché signé par Sidi Ould Tah est très largement surestimé.

On pourrait arguer que comme ce sont les chinois qui financent par un prêt seule une entreprise chinoise devrait les réaliser. Soit mais elles sont des centaines d’entreprises chinoises qui sont toutes qualifiées pour ce genre de travaux. Pourquoi ne pas faire jouer la concurrence entre elles pour obtenir le meilleur prix ? Pourquoi confier les travaux à une entreprise qui est plutôt spécialisée dans la construction des centrales hydroélectrique et qui n’a jamais réalisé des travaux similaires ?

Il est indéniable que la mise en service d’aftout Essahili qui va doubler la quantité des eaux usées de Nouakchott requiert une solution d’urgence pour l’évacuation et le traitement de ces eaux mais l’urgence ne justifie pas la complaisance.

MSS

Source  :  Le Quotidien de Nouakchott le 04/11/2010

 

 

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