Société : « la recherche d’un mari », dernier soupir des « gazras » de Nouakchott

De « Sbeikha », aux fins fonds de la moughataa de Toujounine, en passant par « Dubaï » et les quartiers précaires de Bouhdida (« Wadi Dhiaab », « Lemghaity », « Gandahar », « Velouja », la « gazra » de Arafat, de « dar Salama » et « Ain Talh », à Teyarett, et ne s’arrêtant pas seulement à la kebba de « Leghreiga » d’El Mina, s’étalent, comme un vaste océan, la ceinture de précarité de Nouakchott.

Des quartiers précaires que les autorités publiques veulent voir disparaître mais que les conflits fonciers et la pagaille érigée en règle de conduite par les citoyens maintiennent en vie, probablement pour longtemps encore.

Nouakchott a vécu, au cours du mois d’octobre dernier, le plus grand exode de son histoire. Des populations venant de tous les coins et recoins du pays, du sud, du centre, de l’est, de l’ouest et du nord. Et le résultat d’un tel exode, à caractère anarchique puisque répondant au seul appel de la « gazra », a été la montée en flèche des prix du transport vers la capitale et des encombrements montre, jamais connus auparavant, dans les quartiers les quartiers périphériques.

On dit souvent que si tu connais la cause, l’étonnement disparait. Et la cause d’une telle « disfonctionnalité » urbaine c’est que la « gazra » (nom que les mauritaniens donnent à tous les squats) sont appelées à devenir, dans peu de mois, un élément de l’histoire. Du moins, c’est le désir des autorités publiques.

Pourtant, ce ne sont pas seulement les habitants de la « gazra » qui ont envahi ses quartiers. Des gens aisés ont répondu à son appel, venant de toutes parts, comme pour répondre à une sorte de « pèlerinage » vers les lieux de précarité, sachant que celui qui ne sera pas recensé ne peut prétendre avoir de « gazra ».

Les prix du bois usagé ont grimpé tout d’un coup, du fait de la forte demande qui pousse les « gazreurs » à vouloir réhabiliter leurs habitats oubliés, profitant des moments d’inattention des commissions de recensement. Même la menthe a disparu des marchés parce que les espaces où on le faisait pousser habituellement, ont été occupés par les « gazreurs » !

Une anecdote qui circule dans les salons de Nouakchott raconte qu’un haut responsable de l’Etat passe la journée en compagnie de son boy, parce que Madame et les enfants ont élu domicile à la « gazra », ne voulant pas rater le passage des recenseurs !

La « gazra » est devenue, au fil du temps, une seconde nature des mauritaniens : « le fils de la « badiya », l’anarchiste invétéré, l’ami du rebelle », souligne un sociologue, ce qui ne rend pas étonnant leur ruée vers la «gazra ».

Mais les critères établis par l’Etat, « contraignants », selon des « gazreurs », ont éliminé du paysage beaucoup de « gazra » réduites en poussière par un tour un mouvement d’un bulldozer. Un traitement qui, des fois, est douloureux, conduisant de nombreuses familles à vivre en plein air après la destruction de leurs habitats précaires.

Dans les « gazra » s’étalant tout le long des abords de la capitale mauritanienne est née une nouvelle mode, celle de la « recherche d’un mari ou d’une femme » ! En attendant que s’achève la douloureuse épreuve des recenseurs. Ainsi, des milliers de « familles » vivent dans des maisons construites à la hâte dans les divers coins de la capitale. Des fois, c’est le frère qui se présente aux recenseurs comme le « mari » de la sœur. D’autres fois, c’est le mariage pour la « satisfaction », limité dans le temps, mais, naturellement pour servir de faire valoir devant les commissions de recensement. Fatimetou Mint Ahmed trouve que le « critère » de la famille n’est pas pertinent dans un pays où le divorce atteint des proportions astronomiques. Tout comme les commissions ne semblent pas avoir pris en compte l’existence de couples qui vivent depuis longtemps sans enfants.

Les autorités ont établis des critères qui ont été pris en compte dans le recensement visant à bannir, définitivement, les « gazra » du paysage urbain de Nouakchott. Sont exclus de ce fait : les familles constituées d’une seule personne, les habitats précaires abandonnés, les logis dont la superficie est inférieure à 12m2 et les « gazra » de moins de 40m2, les pères de familles qui ne disposent pas de pièce d’identité ou de passeport, les familles constituées d’un père et d’un enfant, sauf celles qui arrivent à présenter un mobile convainquant pour justifier l’absence de la femme, les « gazra » démultipliées et non légalisées au nom d’une seule personne.

Source  :  Sahara Media le 02/11/2010

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