L’Audit du personnel de l’Etat torpillé : A qui la faute ?

Entre la commission nationale de recensement et de suivi des agents de l’Etat et sa tutelle, la suspicion supplante la confiance.
Lancée aux trousses de l’administration mauritanienne pour un Audit complet du fichier du personnel de l’Etat, la commission nationale chargée du recensement et de la situation des fonctionnaires et agents de l’Etat, est paralysée.

Créée le 1er juin et installée le 9 juin 2010, elle a pour mission non seulement d’effectuer un Audit complet du recensement effectué et surtout passer à loupe « sa pertinence et sa fiabilité, mais également de vérifier le système actuel de paiement en dégageant sa traçabilité (Budget, Trésor, Banques primaires) ; ressortir la liste des personnes payées et qui n’ont pas été recensées ; ressortir la liste des personnes payées mais qui ne travaillent pas de façon effective, même si elles ont été identifiées physiquement ; ressortir la liste des personnes admises à la retraite mais travaillant encore, ainsi que les personnes admises à la retraite et réutilisées dans d’autres administrations ; dresser la liste des personnes admises en départ volontaire dans des établissements publics, mais travaillant dans l’administration ; procéder, en relation avec tous les départements ministériels, à l’identification de toutes les personnes payées présentes physiquement, mais à qui n’est confiée aucune tâche… »
Ainsi, lors de l’installation de cette commission Moulaye Ould mohamed Laghdaf, le premier ministre, n’avait pas manqué de souligner devant tous les membres présents que « l’assainissement et la modernisation de l’administration constituent des préalables incontournables à la bonne gouvernance, axe prioritaire du programme électoral du président de la république ». Il ajoutait en substance que « le recensement 2008-2010 n’a pas produit les résultats attendus car, le gouvernement ignore le nombre exact des fonctionnaires et agents de l’Etat en situation régulière, et encore moins celui de ceux qui sont payés en contrepartie d’un travail effectivement réalisé ». Pour le premier ministre qui parlait à un auditoire attentif à ses propos, la commission constituait de ce fait, « la dernière chance du gouvernement de disposer d’une situation claire et précise des fonctionnaires et agents de l’Etat ». Ainsi, il déclarait que les moyens nécessaires à l’exécution de la mission seront dégagés. Pour marquer tout le sérieux que cette affaire requière, le chef du gouvernement diffusait une lettre circulaire n° 002 en date du 14 juin adressée à tous les ministres, les ministres délégués, le Commissaire aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile, le Commissaire à la sécurité alimentaire, le Commissaire à la promotion des investissements, pour les informer de l’institution d’une Commission Nationale chargée du Recensement et du Suivi des Fonctionnaires et Agents de l’Etat. Tout en expliquant les objectifs de la commission placée sous sa tutelle, il instruit ses ministres pour qu’ils ordonnent à leurs services compétents de se mettre à la disposition de ladite commission, de répondre à toutes ses investigations et lui faciliter l’accès dont elle aura besoin. Il leur demande dans la foulée de la lettre circulaire de lui rendre compte de la réception de celle-ci.

Constat du terrain
Moulaye Ould Mohamed Laghdaf a-t-il été entendu par ses ministres ? Assurément non ! Cinq mois maintenant se sont écoulés depuis l’installation de la commission présidée par Moulaye Mohamed Ould Moulaye D’Khil. La commission qui peste en ce moment contre l’hostilité de toute l’administration, ne dispose toujours pas d’informations, ni de données et de documents indispensables à l’Audit, qu’elle n’a de cesse de réclamer depuis le mois de juin 2010. Aucune réaction n’a été enregistrée de la part des ministères sollicités. Lesquels ministères laissent entendre ici ou là, que la circulaire du premier ministre ne leur est jamais parvenue. C’est du moins l’argument ressassé un peu partout pour justifier l’absence de réaction de leur part. Des assertions qui pourraient s’avérer puisque des indices troublants existent, comme ce projet de circulaire préparé par la commission et transmis depuis le 30 juin au cabinet du PM. Interrogée sur les raisons qui empêchent la signature de la circulaire, une source proche du dossier, laissait entendre qu’il n’était pas d’accord sur le contenu de la circulaire. Du côté de la commission, le refrain est que cette circulaire « constitue la clé de démarrage opérationnelle de la mission puisqu’elle épouse les objectifs fixés par l’arrêté du premier ministre, précise la nature et la forme des informations, données et documents indispensables à la conduite de la mission que seuls, les départements concernés peuvent produire et indique le degré de fiabilité requis, de ces informations, données et documents, et situe les responsabilités de leurs sources ». En cela, précise t-on dans les milieux de la commission, « la volonté politique du gouvernement est essentielle. C’est pourquoi elle est soumise à la signature du PM, chef du gouvernement et tutelle de la commission. Que celui-ci ne soit pas d’accord sur le contenu est parfaitement compréhensible mais, il est indispensable de le faire savoir ». A ce propos, la tenue d’une réunion le 7 octobre 2010 avec l’interface de la commission auprès du premier ministre, M. Diallo Mamadou Bathia. Ce dernier s’était engagé à mettre tout en œuvre pour « que la circulaire soit rapidement signée après quelques modifications sans toutefois altérer sa substance et ensuite qu’elle soit l’objet d’une communication en conseil des ministres, communication qu’il allait, lui-même, rédiger.» Depuis, le conseil des ministres s’est tenu plusieurs fois et nous ne voyons rien venir, ajoute t-on. Il n’y a pas apparemment que la circulaire qui freine l’exécution de l’Audit. Les finances étant tout aussi déterminant pour mener à bien cette mission, le projet de budget transmis à la tutelle le 15 juin et complété le 6 juillet 2010 et destiné à des équipements informatiques et de bureau, au fonctionnement courant, et aux opérations sur le terrain, a subi des imputations qui vont considérablement limiter ses actions. De 194 millions 870 mille ouguiyas comme il était initialement proposé, ce budget a été ramené à 85 millions 450 mille ouguiyas soit une réduction d’un peu moins de 114 millions d’ouguiyas. Plus contraignant encore, le ministre des finances donne une autorisation de dépense limitée à 50 % du budget adopté, qui plus est, le plafond de la régie financière est fixé à 1/8 du montant autorisé. A cela s’ajoute que les 20 millions 500 mille ouguiyas inscrits dans le projet de budget initial pour les missions à l’étranger en vue de visiter les 45 missions diplomatiques et consulaires ont été supprimés. Et pour achever la paralysie de la commission d’Audit, des postes vitaux comme le loyer, l’eau et l’électricité ont été aussi supprimés condamnant le président et les membres de la commission à devenir des SDF, étant donné que le projet prospective vision Mauritanie 2030 a été officiellement clôturé le 30 septembre 2010.
Conséquence, Moulaye Mohamed Ould Moulaye D’Khil, président de la commission, par le biais de Diallo Mamadou Bathia qui constitue l’interface entre la commission et le 1er ministre, veut que Moulaye Ould Mohamed Laghdaf décharge la commission de cette mission.

Voilà qui va faire pester le président de la république là où toute l’administration, ministre en tête, hauts gradés de l’armée, élus, personnalités politiques, notabilités semblent trouver satisfaction. (Affaire à suivre)

Moussa Diop

Source  :  Le Quotidien de Nouakchott le 27/10/2010

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