Suivi de la table ronde de Bruxelles: Le gâchis total

Les résultats de la table ronde des bailleurs de fonds (22 et 23 Juin 2010), avec des promesses fermes d’investissement de plus de 3 milliards Usd en trois ans, ont dépassé les espoirs nourris par la Mauritanie. Mais cinq mois plus tard, force est de constater qu’en raison de l’incapacité du MAED, cette manne financière risque d’être un véritable mirage.

Tous les responsables mauritaniens se sont relayés, à l’issue de la rencontre de Bruxelles, pour se féliciter des résultats obtenus de cette réunion. Et il y avait assurément de quoi s’égosiller. Les bailleurs de fonds ont, à l’unisson, fait des promesses fermes de financer les projets présentés par le gouvernement mauritanien. Ils n’ont donc pas lésiné sur les moyens en accordant un découvert de plus de 700 milliards d’ouguiyas sur une période de trois ans, soit trois fois le budget de l’Etat. Mais ils ne peuvent être plus royalistes que le roi!

Toujours les mêmes travers
Malheureusement après cette euphorie, l’on est comme frappés par une torpeur incroyable. Aucun avancement, aucune convention signée, aucun suivi pour la mobilisation de telles ressources. Le gouvernement semble s’être fait à cette belle «opération de communication» au grand dam des projets en souffrance et des besoins urgents pour le pays en matière d’investissements. Cela rappelle à s’y méprendre la période ZZ. Ni plus, ni moins. Les réalisations en cours le sont souvent sur fonds propres de l’Etat. Des ressources qu’il aurait pourtant –en cas de mobilisation de ressources proposées par les bailleurs- affectées à d’autres urgences.
Cette léthargie qui incombe au ministère des affaires économiques et du développement, chargé de la coordination et de la conception des projets, cache mal, avec un recul de 5 mois, une indifférence coupable, voire une incompétence caractérisée et un déficit de réactivité inouï. Pourtant, le schéma normal aurait été de voir le premier responsable du département des affaires économiques et du développement dont la mobilisation de ces ressources est la première mission, prendre à bras le corps cet engagement au lieu de perpétuer l’attentisme en cultivant ses jardins secrets.

Le président devrait reprendre les choses en main
Au bout de 5 mois, le constat est que l’Etat et au premier chef le président de la République dont le programme électoral ambitionne des réalisations économiques et sociales conséquentes sont pris à contrepied par le laxisme du département en charge de la coordination de l’aide. La situation est telle qu’aujourd’hui, en dépit des promesses du président des Pauvres sur lesquelles les déshérités fondent beaucoup d’espoirs, l’on a le sentiment que la machine économique est grippée et que les attentes risquent de se prolonger. Tous se posent la sempiternelle question «où sont ces promesses de financement des bailleurs de fonds?». Pour le commun des mortels, ces financements seraient déjà acquis. L’on ne se doute pas des conditionnalités préalables à l’accès au financement. Il y va donc indéniablement aujourd’hui de la crédibilité du programme du président de la République d’autant plus que l’assurance de la matérialisation de cet important investissement pourrait avoir des impacts positifs sur la croissance économique (7%), la création d’emplois, l’élargissement des recettes fiscales, la lutte contre le terrorisme… En effet, il est admis aujourd’hui que c’est l’investissement qui crée la richesse. Et tout cela procède à la réalisation des OMD. Mais au lieu de s’atteler à mettre sur rails des projets bancables et salvateurs pour le pays, le département des affaires économiques et du développement se réduit à des effets d’annonces. Toujours des miettes. 20 millions par-ci, 5 millions par-là alors que les bailleurs proposent 3,2 milliards Usd. Pour corroborer cet état d’esprit, à la limite du sabotage économique, aucune réunion technique des bailleurs de fonds (pour savoir qui finance quoi) n’a été encore organisée probablement pour la simple raison que le département déjà englué dans les déboires de la 3ème phase du Cslp (2011-2015) est incapable de présenter aux généreux bailleurs un projet qui tienne la route. Et à l’évidence, avec la démission du Ministre, qui a fait le vide autour de lui en cadres utiles, le gâchis se propage à tous les niveaux du département et l’on ne génère que des conventions «sur mesure». Ceci est d’autant inexcusable que le Ministre, Sidi Ould Tah, est le plus ancien de ses pairs. Il avait été promu par Sidioca pour son «expertise auprès des institutions de financement des pays arabes» qui pourvoient à 70% des promesses d’investissements faites.
Il y a lieu aujourd’hui que l’Etat se ressaisisse. En dépit des ressources internes que l’Etat pourrait mobiliser, il est de plus en plus urgent que le premier responsable du pays en l’occurrence le président de la République dont c’est toute la politique économique et sociale qui est en jeu, suive de près le processus de mobilisation des ressources. Il devrait pour ce faire –et dans l’intérêt bien compris de ses engagements- installer une «cellule spéciale», composée d’experts nationaux et au besoin des experts étrangers, pour avoir un œil sur la mobilisation des ressources. Ainsi établir une sorte de tableau de bord pour le suivi hebdomadaire des efforts de mobilisation. Et si en cas de blocage décrocher le «téléphone rouge» pour rappeler les bailleurs des promesses faites. C’est au succès de la mobilisation des ressources externes d’investissement que les ambitions d’amélioration de la situation économique du pays pourraient se concrétiser.

Jedna DEIDA

Le Quotidien de Nouakchott

 



Quitter la version mobile