Normalisation du transport urbain à Nouakchott: Des licences pour les taxis

Prévue pour entrer en application le 1er juillet dernier, la normalisation du transport urbain de Nouakchott (taxis) n’a, finalement, pu démarrer que le 4 octobre dernier. Ce retard s’explique, selon  Ethmane Ould Manane, Directeur de la Régulation et de l’Organisation des Transports Terrestres (DROTT), par  «la réticence des opérateurs à se soumettre à la réglementation».

Comme on le constate, en effet, dans la ville, peu de taximen avaient accepté de repeindre leur véhicule en jaune et bleu. «Mais avec  le lancement d’un vaste programme de voirie urbaine, le démarrage, imminent à Nouakchott, de la nouvelle société nationale  de transport et la célébration de notre cinquantenaire, il fallait agir», justifie le DROTT, «afin d’accompagner tous ces efforts  visant à donner un nouveau visage à notre capitale, vitrine de notre pays».
Depuis le 4  octobre, un contrôle, systématique, de tous les taxis est effectué par la CUN et les éléments du commissariat de la voie publique. «Ceux qui ne sont pas en règle sont arrêtés et verbalisés, ceux qui sont verbalisés  et  refusant  de se conformer à  la réglementation sont  immédiatement immobilisés», tonne le DROTT. Selon Ethmane Ould Manane, il faut inscrire le transport dans l’optique d’un développement national et, pour cela, il doit assurer la qualité du service, la sécurité des personnes et des biens, en  contribuant, pleinement, à l’essor des communications. 
Trois jours après les journées de concertation, la DROTT a entrepris de mettre en œuvre tous les textes législatifs réglementaires du secteur, afin de bien exécuter les recommandations de ces journées. A la veille du lancement de l’opération, une vaste  campagne de sensibilisation a été organisée, par le Ministère de l’Equipement et des Transports (MET), à travers la radio et la télévision. La brigade de contrôle routier (BCR) est déjà  à pied d’œuvre.

Le terrorisme y est-il pour quelque chose?
La décision de normaliser le secteur du transport urbain  était, il faut le rappeler, une des recommandations  des journées de concertation  organisées par le MET.  La Communauté Urbaine  de Nouakchott avait été chargée de sa mise en œuvre, en collaboration avec la direction de la voie publique de la police nationale. Il s’agit de mettre de l’ordre dans le transport urbain, en assainissant, donc, le secteur des taxis qui se débat, dans notre pays, dans une pagaille sans nom. Chez nous, n’importe qui pouvait se muer en taximan, à la seule condition d’accepter de se délester de quelques billets pour la police et de s’acquitter, parfois, de la vignette, voire de l’assurance.  N’importe quel tacot pouvait  faire office de taxi.  On rencontre, parfois, de vraies guimbardes.  Ce désordre ambiant  contribuait à accentuer l’insécurité. Un vrai problème, par les temps qui courent. Un large débat, entre le ministère de tutelle, les autorités administratives, les professionnels du secteur, les fédérations, les gares routières, les consultants du secteur, les municipalités et les partenaires au développement, notamment l’UE,  a donc permis, trois jours durant, de «dresser un diagnostic sans complaisance  de l’organisation de ce secteur, des problèmes de sécurité  qu’il pose, notamment au niveau de la capitale, vitrine de notre pays, d’une part, et d’explorer, d’autre part, les voies et les moyens de l’adapter aux normes internationales,  afin qu’il puisse produire de la valeur ajoutée», explique le DROTT.
Le ministère  a mis  sur pied une autorité de régulation chargée de la gestion des gares et des rapports avec les fédérations, ainsi qu’une commission de mise en œuvre des recommandations des journées de concertation.  Une réunion, avec la CUN, les fédérations et le commissariat spécial de la voie publique, a été tenue, au  MET, pour plancher sur les textes réglementaires du transport urbain.  L’objectif était d’initier la délivrance des licences de transport urbain, par le biais d’une  commission, présidée par la CUN et comprenant la DROTT, les acteurs du secteur et la CSVP. La commission a  décidé d’accorder, aux transporteurs, un délai de trois mois pour se conformer aux  dispositions réglementaires de la CUN, notamment ceux relatifs à l’enregistrement, à l’identification des véhicules et la délivrance des licences.

La CUN  était déjà prête
A  la CUN où l’on se félicite de l’entrée en vigueur de cette décision,  «tout était  fin prêt, à la date initialement échue pour le lancement de l’opération», nous indique Abdou M’Bodj, directeur  technique  de la CUN. Mais que fallait-il faire, au lendemain de l’avortement de la décision? «La CUN n’a pas de moyens pour la faire exécuter, il appartenait donc à l’Etat d’assumer ses responsabilités».
Les textes réglementaires avaient été élaborés depuis longtemps.  Il s’agit des arrêtés suivants: N° 0029/2008, en date du 3 août 2008, portant  enregistrement,  identification et délivrance de licence, sur présentation, obligatoire, de la carte grise et de la carte d’identité dont le nom du propriétaire doit être identique à celui indiqué sur la carte grise, et visite technique du véhicule, agréée par le Ministère de l’Equipement et des Transports (MET); N° 030/2008, portant interdiction, pour le chauffeur, de conduire à visage couvert. Ces deux arrêtés ont été portés à la connaissance des autorités habilitées à les parapher: PM/SG, MSG/PR, MDAT, MT, MINT, DGL, IGE, wali de NKTT, maires;  un communiqué de la CUN a été publié par les média publics. En outre, la CUN avait conçu, avec les fédérations et le MET, des enseignes et des plaques de numérotation des taxis du centre-ville et de l’aéroport. 2.000 licences trônaient dans le bureau du DT, attendant leur distribution. Signalons, enfin, que la ville sera divisée en deux secteurs: centre-ville et aéroport. Tout taxi doit  être peint en jaune, avec une bande bleue, disposer d’un numéro  d’identification  et d’une enseigne portant celui-ci.
Que dire du blocage qui a retardé l’exécution de la décision? Faut-il le mettre au compte des divergences  entre le président de la CUN, qui réclame, à cor et à cri, «toutes les prérogatives que lui confèrent les textes pour travailler» et l’administration centrale ou dans des lenteurs de celle-ci? De fait, nos responsables  ont une peur bleue, par les temps qui courent, de prendre des décisions. En tout état de cause, cependant, il aura fallu, pour faire sauter le verrou,  que le PM soit saisi par le ministre de l’Intérieur  et de la Décentralisation.  Aujourd’hui, la normalisation est lancée.  La CUN et le commissariat spécial de la voie publique sont chargés  de l’exécution et du suivi de l’opération. Le pourront-ils, à entendre ce que nous le disait Abdou M’Bodj, il y a quelque temps: «je ne demande pas une brigade de la police, je réclame, tout simplement, cinq agents de police pour mettre en application cette décision».  Gros challenge!
D’autres questions taraudent les mauritaniens sceptiques. Tout d’abord: cette décision, qui affecte  beaucoup d’intérêts, pourra-t-elle longtemps survivre? Car le transport urbain (taxi) profite à beaucoup de monde. Petits fonctionnaires, hauts cadres, officiers  de tous les corps se muent en taximen  quand ils débauchent pour arrondir les fins du mois devenus de plus en plus obtenus. Secondement: les étrangers bénéficieront-ils de licence? Ce sésame  doit profiter, en premier lieu, aux Mauritaniens. De nombreux chauffeurs nationaux sont au chômage parce que certains mauritaniens préfèrent «traiter» avec des chauffeurs étrangers, taillables et corvéables à merci, à qui ils versent des salaires de misère.  Enfin: les agents de la voie publique seront-ils suffisamment motivés, pour assister, efficacement, la CUN, dans l’exécution de cette si importante recommandation des journées de concertation sur le transport urbain terrestre?

Petit hic, déjà?
Lancée il y a six jours, l’opération de normalisation du transport urbain semble connaître, déjà, un petit hic. Et pour cause, explique le directeur de la CUN, Abdou M’Bodj, «la Brigade de Contrôle Routier (BCR) du MET, qui dispose des éléments de la police, a, déjà, ramassé plus de 200 permis de véhicules non conformes à la réglementation mais aucun de leurs propriétaires n’est venu se faire  enregistrer à la CUN, pour l’obtention de sa  licence ». «Ils continuent»,  déplore le DT, «à rouler comme si de rien n’était, sans  aucune pièce, encore moins d’attestation de licence». Et le DT de poursuivre: «nous n’avons même pas 30 véhicules enregistrés à la CUN, pour les licences». Et Abdou M’Bodj de rappeler que «pour obtenir la licence, il faut, pour le chauffeur, une photocopie de sa carte d’identité conforme à la carte grise du véhicule, son permis de conduire, une assurance, une vignette, un extrait de son casier judiciaire et quatre photos. Quant au véhicule, outre sa carte grise, l’assurance et la vignette, il doit disposer d’un quitus de sa visite technique, dûment visé par la direction du transport, attestant que le véhicule est en état d’assurer la fonction de taxi». L’Etat parviendra-t-il à faire respecter la loi?

Dalay Lam

Source: Le Calame



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