C’est le juge Ahmed Salem ould MAH qui a été saisi de ce que l’on peut appeler maintenant « l’affaire ould DADDE » et qui a signifié au prévenu sa mise sous dépôt pour « détournements de deniers publics » (d’un montant de 271 millions d’UM). Depuis, l’ancien Commissaire aux Droits de l’Homme, à l’Action Humanitaire et aux Relations avec la Société Civile a été transféré à la prison de Dar Naïm.
Selon des sources proches de l’enquête Mohamed Lémine ould DADDE a refusé de répondre aux questions des magistrats, s’en tenant à sa ligne de défense : pas d’aveu de culpabilité et refus de payer quelque caution que ce soit.
C’est la même attitude qu’il avait observé depuis sa garde à vue lundi dernier.
Mohamed Lémine ould DADDE a toujours clamé son innocence des faits qui lui sont reprochés par le rapport de l’IGE. Dans son bras de fer qui l’oppose à la justice la grève de la faim de quelques jours qu’il a mené dans les locaux de la brigade financière a poussé le procureur à convoquer d’anciens collaborateurs de l’ex Commissaire, ainsi que des hommes d’affaires qui auraient, selon le rapport de l ‘IGE, été les seuls bénéficiaires de marchés de gré à gré.
Le Président Mohamed ould ABDEL AZIZ avait fait de la lutte contre la gabegie son cheval de bataille. Fin Juin, mécontent des lenteurs supposées des inspections de l’IGE, il avait convoqué les inspecteurs au palais présidentiel et leur avait signifié que l’IGE devait accélérer les procédures afin que des « têtes tombent ».
Premier membre du gouvernement à être limogé pour détournement supposé Mohamed Lémine ould DADDE avait été démis de ses fonctions par décret présidentiel.
2 enquêtes avaient été diligentées, au grand étonnement des spécialistes de la chose : une enquête de l’IGE et une enquête de la Cour des Comptes. Cette dernière est toujours en cours.
Ould DADDE, coupable ou bouc émissaire ?
La nomination de Mohamed Lémine ould DADDE avait fait fait couler beaucoup d’encre : ancien Président de Conscience et Résistance, militant des Droits de l’Homme, opposant farouche à Taya, fin connaisseur des rouages de Bruxelles, il était « l’atypique » du gouvernement, apparemment l’homme idéal pour ce poste.
Propulsé à la tête d’un Commissariat sensible ( Droits de l’Homme, lutte contre la pauvreté) il avait lancé plusieurs programmes, en particulier afin de lutter contre la mendicité : mise en place de centres de formation des mendiants à un métier, instauration d’un « salaire minimum » pour ces mêmes mendiants, distributions de tentes et de nourriture, ouvertures de centres d’accueil, actions d’urgence dans un secteur laissé à l’abandon depuis des décennies…
Ces derniers mois les analystes pressentaient le limogeage : enquête « musclée » de l’IGE, campagne anonyme de diffamations via le net, enquête parallèle menée par la Cour des Comptes.
On peut raisonnablement penser que la convocation des membres de l’IGE fin Juin et les « recommandations » présidentielles qui ont suivi visaient l’ancien Commissaire.
On savait l’homme proche du Premier Ministre actuel, ould LAGHDAF.
Et la rumeur plus que persistante d’un très prochain et probable remaniement ministériel avec, en particulier, un changement de Premier Ministre fait dire à certains analystes, que le limogeage d’ould DADDE précède l’éviction prochaine du PM actuel.
D’où, chez certains, le sentiment que pour atteindre le PM il faut d’abord évincer ses proches…
Le limogeage de Mohamed Lémine ould DADDE et, surtout, l’accusation de détournements de fonds avaient provoqué des sentiments partagés dans la population : d’un côté ceux qui croient en la culpabilité de l’ancien commissaire, de l’autre ceux qui doutent..
« Je connais l’homme » raconte un ex compagnon de lutte d’ould DADDE qui tient à garder l’anonymat, « on peut l’accuser de plein de choses mais surement pas de vol. Je n’y crois pas un seul instant. Par contre, qu’il ait été manipulé et trahi au sein même de ses services…. ».
Beaucoup de questions, peu de réponses….
Quoiqu’il en soit Mohamed Lémine ould DADDE dort ce soir en prison.
KASSATAYA