Maghama : la digue de passage rompue, les habitants vivent une situation cauchemardesque :

Déjà la vie n’y était pas facile ! Aujourd’hui elle l’est moins encore surtout pour les populations habitantes de la zone Est et Sud du département.
Ce n’est pas le chaos mais c’est tout comme. La route de l’espoir est devenue désespoir pour tout un département.

Longue de 5 kilomètres, la digue de passage est hors d’usage, depuis qu’elle a cédé récemment sous la pression des eaux de ruissellement consécutives aux pluies torrentielles qui se sont abattues sur le Guidimakha voisin. Selon les explications qui nous ont été données, ces eaux de ruissellement ont pris leur source de l’Oued « Garfa » et de « Boudama ». Conséquence, tout le sud du département est coupé de Maghama. Ainsi, les villages de Fimbo, Gourel MBaniou, Kahé dépendant de la commune de Maghama sont coupés de leur capitale communale. Les plus affectées par la rupture de la digue sont les communes de El Vrah et Beïlougué à l’Est et Sanghé, Wali, Toulel au Sud. A l’Est, les populations de la commune de El Vrah et celles de la commune de Beïligué ne peuvent plus se rendre à Maghama.
La seule voie de communication pour ces populations reste la pirogue pour joindre la capitale départementale. Et pour cela, il faut tout un parcours du combattant. En temps normal par exemple, le trajet Maghama-Fimbo n’est distant que de 7 km au plus. Avec la rupture de la digue, il faut maintenant parcourir 27 km à la pirogue pour aller d’un point à un autre de ces deux localités. Soit au total 54 km en aller et retour. Le coût du transport par la pirogue s’élève à 500 ouguiyas à l’aller et idem pour le retour. Entre Maghama et Wali, que ce soit par voiture ou par pirogue, il faut débourser au total 2000 ouguiyas soit 1000 ouguiyas à l’aller et 1000 ouguiyas au retour pour espérer se déplacer d’un point à un autre.
Quand ce n’est pas par pirogue qu’on se déplace, l’autre alternative reste la route. Là, il faut passer par la localité de « Taaga » situé à 15 km à l’Ouest de Maghama. Toujours est-il qu’il faut parcourir 40 km d’une route cahoteuse pour se rendre à Maghama et vice versa au prix de 600 ouguiyas le voyage tant à l’aller qu’au retour. Du coup les échanges commerciaux sont devenus difficiles avec Maghama pour les populations de Fimbo, Gourel MBaniou et Kahé qui s’approvisionnent essentiellement dans la capitale communale tous les jours que Dieu fait. Pire encore, coincées qu’elles sont par la rupture de la digue de passage, ces populations ne savent plus que faire de leurs produits vivriers qu’elles écoulaient sur le marché de Maghama. Le même calvaire est vécu par leurs concitoyens des communes de Beïligué et El Vrah à l’Est. Ces derniers en même temps que Toulel, s’approvisionnent à Sélibaby tandis que les communes de Wali et Sanghé, deux zones à forte tradition d’immigration, sont ouvertes sur le Sénégal voisin pour leur approvisionnement. Il en était ainsi même quand la digue fonctionnait normalement. Que faire dans cette situation pénible ? La réponse coule de source venant du député du département M. Niang Mamoudou : « pour l’heure, il faut que l’Etat aide à mettre à la disposition des populations, des pirogues à moteur pour faciliter la circulation des biens et des personnes ». Des pirogues à moteur, faut-il le signaler, sont rares dans le transport actuel entre Maghama et le sud du département. Ce sont plus les pirogues à pagaie qui sont légions dans le transport des biens et des personnes. Elles sont souvent très veilles et n’offrent aucune sécurité aux passagers. Souvent bondées de personnes et de marchandises diverses, elles font la traversée avec beaucoup d’acrobaties. Raison pour laquelle d’ailleurs, beaucoup de candidats au voyage empruntent les véhicules malgré la longueur du trajet, car ils ne savent pas nager en cas de pépin.

Maghama ville, peu lotie
Un tour au marché et très vite on se rend compte des dures réalités de la vie dans cette ville « phare » du département. Première remarque, la ville est très sale malgré les énormes efforts déployés par une Ong espagnole qui entretient de solides relations de coopération avec la commune de Maghama. Tout l’environnement du marché est jonché d’ordures ménagères et de sacs plastics. On croirait même qu’elle n’a jamais été nettoyée. Pourtant la mairie a bénéficié d’un don de véhicules et d’engins lourds parqués quelque part dans la ville. Mais ce matériel est entrain de rouiller petit à petit. Aux problèmes d’assainissement viennent s’ajouter les problèmes d’eau pour la ville qui dispose de deux forages dont l’un demandait seulement à être raccordé au réseau de la Somelec. Cette bataille est en voie d’être gagnée puisque la plaidoirie conduite par les élus du département à l’assemblée nationale aurait donné des résultats. Deux groupes électrogènes ont été, semble t-il, acheté pour permettre à la centrale électrique de la Somelec de raccorder le forage à son réseau. En attendant le dénouement, c’est le forage ancien équipé d’un groupe électrogène qui alimente la ville en eau tant bien que mal. Selon la Somelec sur place, la ville de Maghama qui compte environ 400 abonnés, est alimenté tous les jours de 10 heures à 3 heures du matin. Malgré tout, on y compte très peu d’activités génératrices de revenus. Maghama est dépourvue d’infrastructures d’accueil mis à part la base que va reprendre bientôt la Sonader, pour l’heure en difficulté sur tous les plans. Il n’y a pas non plus d’équipements sportifs (terrains de football, de basket ball et autres). Les bâtiments administratifs sont en ruines pas même celui du hakem de la moughataa n’est présentable.
A toute cette situation peu reluisante s’ajoute le manque de connexion à l’Internet. Rare sont ceux qui se sont offerts ce privilège dans cette ville. Et le coût de la vie dans ce département, dépasse tout entendement. Jugez-en ! La petite bouteille d’eau minérale coûte 150 ouguiyas et la grande 300 ouguiyas. Le kilogramme de riz coûte 220 ouguiyas, le sucre 280 ouguiyas, le litre d’huile entre 400 et 500 ouguiyas. Pour la viande de beauf, le kilo se vend à 700 ouguiyas, le chameau à 1000 ouguiyas et la viande de mouton entre 1000 et 1400 ouguiyas. Quand au poisson d’eau douce, il est vendu par tas variant entre 600 et 2000 ouguiyas selon le type de poissons. Quant à la sardinelle (Yaye Boye), le kilo est vendu à 170 ouguiyas. S’agissant des variétés de céréales, le moud de maïs (4 Kg) est vendu à 500 ouguiyas, le moud de sorgho à 600 ouguiyas et idem pour le moud de mil et le moud de « féla », tandis que le moud de Niébé se négocie entre 1000 et 1200 ouguiyas. Le kilo de lait en poudre (célia) se vend à 900 ouguiyas.
Maghama étant enclavé ; le coût du transport en est devenu également exhorbitant. Rien que pour les 120 km qui séparent la ville de Kaëdi, le coût du voyage est fixé à 4000 ouguiyas.

A retenir
Le département de Maghama est l’un des quatre départements que compte la wilaya du Gorgol. Cette région du pays est caractérisée par un climat sahélien, généralement chaud et sec avec des pluies de juillet à octobre. La pluviométrie moyenne y est de 300 mm. L’ensemble de la région se trouve dans la zone sahélienne type. Elle recèle théoriquement de ce fait des potentialités bioclimatiques appréciables pour des aménagements forestiers et pastoraux. La végétation ligneuse est importante dans la partie sud-ouest de la région, mais fait défaut dans les départements de Monguel et de M’Bout. Si l’on en croît les projections basées sur le recensement de 1988, la population de la région s’élève en 1997 à 216 619 habitants, ce qui en fait la région la plus densément peuplée du pays (15,3 habitants/Km2), en dépit d’une zone très faiblement peuplée entre Civé et Haddad. C’est une population jeune, comptant 60% de moins de 20 ans. Hétérogène, elle est composée de Maures, de Pulaars (dont une composante notable de Peuls), de Soninkés et de Wolofs. Le mode de vie sédentaire y est prédominant. Les structurations traditionnelles, différentes selon les ethnies et parfois les villages, restent prégnantes et déterminent dans une large mesure le statut social, le type d’activité (agriculture, élevage, pêche, artisanat), ainsi que l’allocation des ressources disponibles (terres) et produites. L’accès à Maghama et, au-delà, au Guidimakha, est malaisé, voire impossible durant l’hivernage. Le fleuve Sénégal, qui constitue la frontière, est peu utilisé comme moyen de transport.

Moussa Diop

Source  :  www.quotidien-nouakchott.com le 09/08/2010

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