Sarko parrain d’une coalition africaine anti-Al-Qaida

Depuis plus de trois ans, le groupe Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) s’est bâti une solide réputation. Béni par Ben Laden et héritier de l’ancien GIA algérien, l’Aqmi et ses quelques centaines de terroristes parcourent le sahel et affichent un sacré bilan : assassinats de quatre touristes français [NDRL: en Mauritanie] et d’un Britannique, enlèvements d’humanitaires espagnols [NDLR: toujours en Mauritanie], français, d’un couple d’Italiens et de deux diplomates canadiens, etc.

Parfois ils tuent, parfois ils encaissent des rançons. Mieux, de temps à autre, ses chefs promettent de franchir la Méditerranée et de porter leur « guerre sainte » jusqu’en France. Une menace prise au sérieux, à Paris, par les experts antiterroristes de la Direction centrale du renseignement intérieur (ex-DST et RG).

Sarko se veut le parrain de cette nouvelle guerre au terrorisme, et il a appelé de ses vœux la participation au combat de plusieurs Etats africains. A en croire un officier de l’état-major des armées, il se complaît dans ce rôle. « En politique intérieure (référence aux récents incidents de Grenoble) comme en politique étrangère, ironise-t-il, le Président aime faire parler la poudre ».

Guerre et troc

Et il ne s’en cache pas. Le 26 août 2009, à Paris, devant tous les ambassadeurs de France, réunis en conférence comme chaque année, Sarko s’engage : « Ce qui se passe au Mali, au Niger et en Mauritanie est un signal clair. La France ne laissera pas Al-Qaïda installer un sanctuaire à notre porte, en Afrique. Le message doit être bien reçu. »

Deux mois plus tard, en octobre, le général Georgelin, alors patron des armées, se rend à Nouakchott. Au menu des conversations avec ses homologues mauritanien, malien et nigérien, la traque antiterroriste dans le Sahel. L’Algérie doit y contribuer, bien qu’elle n’aime guère voir des français trainer dans la région. Enfin, en janvier 2010, un navire débarque dans le port de Nouakchott une vingtaine de blindés et de véhicules légers français ainsi que des équipements pour le combat nocturne. C’est un don gracieux au Mali et à la Mauritanie, membres de la coalition voulue par Sarkozy.

Alliés furieux

Mais ces préparatifs guerriers ne sont pas toujours suivis d’effet. En novembre 2009, on négocie avec l’Aqmi. Un français, Pierre Camatte, vient d’être enlevé dans un hôtel malien. Claude Guéant et Bernard Kouchner font plusieurs fois le voyage de Bamako pour rencontrer le président du Mali. Leur mission : le convaincre de relâcher quatre terroristes (2 Algériens, 1 Mauritanien, 1 Burkinabé), comme l’a exigé l’Aqmi pour accepter de libérer Pierre Camatte. Lhistoire ne dit pas si, en plus, une rançon a été versée.

Le 24 février dernier, entre une visite au Gabon et une autre au Rwanda, Sarko atterrit, en pleine nuit, à Bamako, et vient saluer l’otage français enfin libre avant de proclamer : « Nous ne laisserons tomber aucun de nos compatriotes pris par des terroristes. » Bien dit. Mais, à Alger comme à Nouakchott, les chefs d’Etat sont furieux : trois de leurs concitoyens membres de l’Aqmi et terroristes confirmés vont reprendre le combat. Grâce au marchandage de Sarkozy.

L’enlèvement, le 19 avril, de Michel Germaneau, membre d’une petite ONG, illustre bien la difficulté d’un choix stratégique entre guerre et marchandage. Pendant plusieurs semaines, sous le contrôle de l’Elysée, les services français cherchent à entamer une négociation avec les ravisseurs. Echec, dit-on, et rien de concret, si ce n’est, selon un officier de l’état-major français, « des revendications fumeuses, des demandes de libération de prisonniers, via un émir planqué en Kabylie ». Et aucun moyen de faire parvenir des médicaments à ce cardiaque de 78ans. Sans lesquels il ne peut survivre.

Le 23 juillet, au moment du raid décidé par Sarko, « on ne savait même pas s’il était mort ou encore vivant », avoue un diplomate en contact avec les services français. Des Touareg ont fourni un renseignement sur un « campement » de l’Aqmi. Des barbouzes US sont aussi mobilisés. Ils portent le doux nom de « Liberté durable trans-Sahara » et sont 150 à se balader dans huit pays voisins du Sahel.

Une trentaine de Français, des Forces spéciales et de la DGSE, accompagnent la centaine de militaires mauritaniens et font le coup de feu pendant l’opération. Bilan : 7 terroristes tués, 4 en fuite et récupération d’armes et de documents. Rien de plus, si ce n’est la première action menée par une coalition franco-africaine avec des militaires formés par des instructeurs français.

Et depuis, une nouvelle querelle. Deux espagnols sont actuellement otages de l’Aqmi, et les dirigeants de Madrid reprochent aux français d’avoir mis leur vie en danger. Eux préfèrent la négociation à la guerre et, selon le Quai d’Orsay, le versement de rançons plutôt que l’action des commandos. A vrai dire, les otages aussi.

 

Jerôme Canard

 

Source « Le Canard enchaîné » du 28 juillet 2010.

 

 

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