(Blog Secret Défense) : Sahel : une opération contre Al Qaida menée avec l’appui de la France :

Une opération militaire antiterroriste a été conduite par les forces armées mauritaniennes, avec le soutien de la France, dans la nuit de mercredi à jeudi dans le nord du Mali. Selon la presse espagnole, qui révèle ce matin l’affaire, il s’agissait d’obtenir la libération de l’otage français Michel Germaneau, 78 ans, détenu par un groupe d’AQMI (Al Qaida au Maghreb islamique). Ingénieur à la retraite, il a été fait prisonnier le 22 avril dernier.

La France a confirmé vendredi matin avoir apporté son soutien à une « opération antiterroriste » mauritanienne, sans faire référence à une tentative de libération de l’otage français.

Selon nos informations, des équipes du Commandement des opérations spéciales (COS) sont très discrètement présentes depuis plusieurs mois en Mauritanie, dans le cadre d’un DAO (détachement d’assistance opérationnel), chargé de la formation des forces armées de ce pays.  Ce DAO serait basé dans la région d’Atar. Il contriburait à la formation des GSI, Groupements spéciaux d’intervention, qui ont sans doute été impliqués dans l’opération au Mali.

Toutefois, les équipes de la DGSE, dont celles du Service Action, sont très présentes au Sahel et il est possible que ce soit elles qui aient directement fourni un appui aux Mauritaniens. La participation du GAM-56, une escadrille de l’armée de l’air, est possible.

Le ministère français de la Défense précise que « des moyens militaires français ont apporté un soutien technique et logistique à une opération mauritanienne destinée à prévenir une attaque d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) contre la Mauritanie ». ‘L’opération a permis de neutraliser un groupe de terroristes » assure la Défense. « Le groupe de terroristes visé par l’armée mauritanienne est celui qui a exécuté l’otage britannique voici un an et qui refuse de donner des preuves de vie et d’engager le dialogue en vue de la libération de notre compatriote Michel Germaneau ».

Interrogées, les sources militaires françaises, comme le général Baptiste, porte-parole adjoint du ministère de la Défense, s’en tiennent au communiqué.

L’armée mauritanienne avait reconnu un peu plus tôt avoir  mené jeudi 22 juillet une opération contre une base d’Al-Qaida, sans précisé le lieu, et y avoir tué des « terroristes armés ».  Le chiffre de six tués est avancé. « L’opération qui visait une base des terroristes (…) a permis de tuer et de blesser un certain nombre de terroristes armés, dans cette base située dans le désert et qui sert de refuge aux combattants terroristes de la nébuleuse d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). »

L’opération militaire aurait été conduite sur la base de renseignement partiellement fournis par les Américains. Elle se serait déroulée dans le secteur de Tessalit (nord-est du Mali), à proximité de la frontière avec l’Algérie. Il s’agit donc d’une opération aéroportée, vraisemblablement avec le soutien aérien de la France. Le rôle de l’Algérie – très impliquée dans la traque d’AQMI –  reste inconnu.

S’agissait-il d’une tentative de libération de l’otage français, comme l’affirme le quotidien El Païs et ABC ? Tout le laisse croire, même s’il n’y a pas de confirmation officielle. Des sources mauritaniennes et maliennes, citées par l’AFP, assure que l’opération menées par l’armée mauritanienne avec l’accord du Mali, était destinée à  « chercher l’otage français mais qu’ils ne l’auraient pas vu sur place ».

On ne peut toutefois pas exclure une autre hypothèse : une opération d’élimination d’une bande armée plutôt qu’une tentative de récupération d’un otage. Le groupe visé par l’opération était bien le même que celui qui détient l’otage français, mais, selon nos sources, il est probable qu’il était rééllement en train de préparer une autre opération en Mauritanie. Un  responsable militaire français nous confiait récémment que la France n’hésiterait pas à entreprendre des actions armées contre AQMI si l’occasion s’en présentait. Il semble qu’elle se soit présentée dans la nuit de mercredi à jeudi. « C’est un groupe de fous furieux, qui refuse tout contact, toute discussion. Ils ont lancé un ultimatum en exigeant la libération de militants, mais sans dire lesquels » précise un proche du dossier. L’opération a pu être déclenchée en espérant que l’otage soit présent avec le groupe attaqué, sans en avoir la certitude. Le recueil du renseignement dans cette immense zone désertique est particulièrement difficile. Un seul exemple : contrairement à l’Afghanistan ou au Yémen, les Américains ne peuvent pas y faire voler de drones de surveillance, faute de satellites au dessus de la zone. Ceux-ci sont en effet indispensables pour les transmissions.

Cette opération armée fait-elle courir un risque à l’otage français ? Une source proche du dossier évoque ses craintes quand à la santé de Michel Germaneau. « Cet homme de 78 ans est malade du coeur. Nous avons essayé de lui faire passer des médicaments, mais ses ravisseurs ont refusé. Il est donc aujourd’hui sans traitement, sans doute depuis quelques semaines et il doit supporter de très fortes chaleurs ». En clair, ses jours sont en danger et les autorités françaises ne disposent d’aucune « preuve de vie » récente.

Les autorités françaises font en général preuve d’une extrême prudence dans ses affaires d’otages – où la priorité est de ne pas mettre en danger leur vie au cours d’une action de vive force. L’Elysée ne souhaite pas que se reproduise un épisode tel que celui du voilier Tanit au cours duquel l’un des otages avait été tué par un commando-marine. Les consignes et les ordres sont clairs, par exemple, pour les deux journalistes retenus en Afghanistan.

S’il est en vie, l’otage français est menacé de mort par AQMI. Le 11 juillet, ses ravisseurs ont lancé un ultimatum de 15 jours afin d’obtenir la libération de militants radicaux détenus par des pays de la région. Cet ultimatum court donc jusqu’à lundi. La menace est sérieuse : un otage britannique, Edwyin Dyer, a été exécuté en juin 2009 par le même groupe.

Cette affaire ressemble étrangement à la trame du récent roman de Jean-Christophe Rufin, Katiba (Flammarion), l’ancien ambassadeur de France au Sénégal, très au fait de la lutte antiterroriste dans le Sahel.

La presse espagnole révèle cette affaire, car le gouvernement de Madrid semble être mécontent de l’attitude des autorités françaises. Paris aurait « informé, mais non consulté » Madrid, selon El Païs, alors que deux otages espagnols (Albert Vilalta, 35 ans et Roque Pascual, 50 ans) sont eux aussi détenus en Mauritanie depuis plus de huit mois. « L’échec de l’opération française pourrait faire courir des risques encore plus grands » aux deux otages espagnols. 

 

Source  :  http://secretdefense.blogs.liberation.fr/defense/ le 23/07/2010

Légende de la photo ci dessus : image Google Earth de la piste de Tessalit qui a servi de base à l’opération.

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