DGI/Banques:Tuer la poule aux œufs d’or

Les banques mauritaniennes sont encore sous le choc du redressement fiscal qui leur a été notifié la semaine passée par la Direction Générale des Impôts (Biladi du jeudi passé). Avisés, les Présidents Directeurs Généraux de ces institutions doivent actuellement être à la recherche du  bon Saint à qui se vouer pour trouver un dénouement à cette  nouvelle affaire avec un grand (A). Le bon Saint doué et ayant une emprise morale sur les dirigeants du régime actuel dont le génie ne peut qu’être à l’origine de ce redressement fiscal inédit.
En effet l’Affaire est  lourde  de conséquences pour le système bancaire, car l’Etat assomme ainsi littéralement la plupart des banques au moment où leur clientèle croule sous l’effet de la crise financière, du manque de visibilité généralisé et de la méfiance grandissante des partenaires étrangers de plus en plus épouvantés par les incertitudes dont ce redressement malheureux est une illustration.
L’inquiétude des banques est d’autant légitime que ce redressement qui porte sur un seul exercice, le seul clos depuis les élections d’Août 2009, augure d’une ère fiscale dont le compresseur risque de tout écraser sur son passage.
En faisant fi du cadre légal et réglementaire du secteur, pour extorquer de l’argent à ces opérateurs économiques, l’administration fiscale tue doublement le système bancaire. D’une part en l’accablant injustement de charges qu’il ne peut supporter, et d’autre part en déstabilisant son environnement immédiat, ses pourvoyeurs de fonds, par le climat d’insécurité que ce genre de mesures instaure dans le milieu des affaires.

Explication de texte

Entre institutions civilisées, les relations entre les banques et l’administration fiscale est généralement faite de coopération et d’échange de bon procédés.
Agents économiques  mûrs et disciplinés, les institutions bancaires  et financières mauritaniennes  ont l’habitude de déclarer régulièrement leurs situations  et de payer leurs impôts basés pour la plupart sur des états mensuels soumis à des contrôles suivis, tant par la BCM que par les autres administrations spécialisées de l’Etat.
En plus de ces impôts (ITS, TPS, IRCM…), les banques sont également assujetties annuellement au BIC dont le taux est de 25% sur les bénéfices réalisés.
Bon an mal an, les redressements opérés ont rarement porté sur plus de 100 à 150 millions d’UM, alors que le présent redressement  va jusqu‘à 1.800.000.000UM pour la BMCI et frappe les banques les plus petites par l’âge, le capital et le nombre de clients de 250.000.000UM chacune (BNP et Société Générale notamment).

Pourquoi ces ordres de grandeurs ?

Alors que règlementairement, les impôts collectés par les banques sont généralement générés par l’accomplissement des services et opérations qui en sont l’origine (crédits documentaires,  avals, cautions…), et que les banques devraient les payer après l’accomplissement de tels services, la DGI estime désormais que ces impôts sont à payer à l’avance, ce qui signifie que le banquier paie à l’avance pour tout risque qu’il prend en décidant  de rendre un service à sa clientèle alors que le législateur le protège justement pour ces risques au fur et à mesure que leur  probabilité de réalisation s’accroit.
Pour cette raison, les banques sont universellement astreintes à provisionner les créances douteuses en application de la législation bancaire, alors que  la DGI remet en cause cette règle dans ce redressement en décidant  ipso facto de réintégrer ces provisions dans l’assiette de calcul de l’impôt.
En effet l’instruction de la BCM dispose explicitement que « les créances pré douteuses, douteuses et compromises doivent donner lieu à la constitution  de provisions égales au moins à, respectivement à 20%, 50% et 100% de leurs montants  déduction faite de des agios réservés et des et des garanties prévues… ».
Un spécialiste en la matière explique que, socialement  ces règles impératives sont destinées à la protection des déposants contre la tentation des actionnaires, des personnels des banques et de l’administration fiscale.  Avec un tel redressement cette protection est semble- t-il perçue comme étant une technique de  fraude traquée par la DGI.
Une autre erreur tout aussi grossière et contraire à la lettre  et à l’esprit de la loi, est illustrée par le retraitement que la DGI fait des opérations bancaires islamiques (Mourabahas et leasing islamique notamment), que le redressement vient décourager en mettant  également en cause le régime dérogatoire qui leur est  accordé par le Code Général de impôts qui les soustrait en vertu de son article 177b ( Loi des finances 2009),du champ d’application de la TVA.
Au delà du coup asséné aux banques, ce redressement funeste  qui ignore l’ordre légal et la vision dont il procède, est un exemple  typique de très mauvaise gouvernance économique et fiscale qui met en péril l’épargne des déposants et l’ensemble du système bancaire. Ses retombées sont tout aussi fatales pour le Trésor public qu’il vise pourtant à renflouer.

En étouffant ces opérateurs dynamiques et argentés, l’administration fiscale n’assèche-t- elle pas les caisses des seuls preneurs de bons du Trésor dont le marché hebdomadaire maintient le Trésor public sous perfusion.
L’art de tuer la poule aux œufs d’or !
Au moment où s’ouvre la table ronde des bailleurs de fonds à Bruxelles, notre pays pouvait bien se passer de cette mauvaise publicité qui va à l’encontre de la doctrine libérale en vogue par les temps qui courent.

Cheikh Sidya

 

Source: Biladi

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