En effet l’Affaire est lourde de conséquences pour le système bancaire, car l’Etat assomme ainsi littéralement la plupart des banques au moment où leur clientèle croule sous l’effet de la crise financière, du manque de visibilité généralisé et de la méfiance grandissante des partenaires étrangers de plus en plus épouvantés par les incertitudes dont ce redressement malheureux est une illustration.
L’inquiétude des banques est d’autant légitime que ce redressement qui porte sur un seul exercice, le seul clos depuis les élections d’Août 2009, augure d’une ère fiscale dont le compresseur risque de tout écraser sur son passage.
En faisant fi du cadre légal et réglementaire du secteur, pour extorquer de l’argent à ces opérateurs économiques, l’administration fiscale tue doublement le système bancaire. D’une part en l’accablant injustement de charges qu’il ne peut supporter, et d’autre part en déstabilisant son environnement immédiat, ses pourvoyeurs de fonds, par le climat d’insécurité que ce genre de mesures instaure dans le milieu des affaires.
Explication de texte
Entre institutions civilisées, les relations entre les banques et l’administration fiscale est généralement faite de coopération et d’échange de bon procédés.
Agents économiques mûrs et disciplinés, les institutions bancaires et financières mauritaniennes ont l’habitude de déclarer régulièrement leurs situations et de payer leurs impôts basés pour la plupart sur des états mensuels soumis à des contrôles suivis, tant par la BCM que par les autres administrations spécialisées de l’Etat.
En plus de ces impôts (ITS, TPS, IRCM…), les banques sont également assujetties annuellement au BIC dont le taux est de 25% sur les bénéfices réalisés.
Bon an mal an, les redressements opérés ont rarement porté sur plus de 100 à 150 millions d’UM, alors que le présent redressement va jusqu‘à 1.800.000.000UM pour la BMCI et frappe les banques les plus petites par l’âge, le capital et le nombre de clients de 250.000.000UM chacune (BNP et Société Générale notamment).
Pourquoi ces ordres de grandeurs ?
Alors que règlementairement, les impôts collectés par les banques sont généralement générés par l’accomplissement des services et opérations qui en sont l’origine (crédits documentaires, avals, cautions…), et que les banques devraient les payer après l’accomplissement de tels services, la DGI estime désormais que ces impôts sont à payer à l’avance, ce qui signifie que le banquier paie à l’avance pour tout risque qu’il prend en décidant de rendre un service à sa clientèle alors que le législateur le protège justement pour ces risques au fur et à mesure que leur probabilité de réalisation s’accroit.
Pour cette raison, les banques sont universellement astreintes à provisionner les créances douteuses en application de la législation bancaire, alors que la DGI remet en cause cette règle dans ce redressement en décidant ipso facto de réintégrer ces provisions dans l’assiette de calcul de l’impôt.
En effet l’instruction de la BCM dispose explicitement que « les créances pré douteuses, douteuses et compromises doivent donner lieu à la constitution de provisions égales au moins à, respectivement à 20%, 50% et 100% de leurs montants déduction faite de des agios réservés et des et des garanties prévues… ».
Un spécialiste en la matière explique que, socialement ces règles impératives sont destinées à la protection des déposants contre la tentation des actionnaires, des personnels des banques et de l’administration fiscale. Avec un tel redressement cette protection est semble- t-il perçue comme étant une technique de fraude traquée par la DGI.
Une autre erreur tout aussi grossière et contraire à la lettre et à l’esprit de la loi, est illustrée par le retraitement que la DGI fait des opérations bancaires islamiques (Mourabahas et leasing islamique notamment), que le redressement vient décourager en mettant également en cause le régime dérogatoire qui leur est accordé par le Code Général de impôts qui les soustrait en vertu de son article 177b ( Loi des finances 2009),du champ d’application de la TVA.
Au delà du coup asséné aux banques, ce redressement funeste qui ignore l’ordre légal et la vision dont il procède, est un exemple typique de très mauvaise gouvernance économique et fiscale qui met en péril l’épargne des déposants et l’ensemble du système bancaire. Ses retombées sont tout aussi fatales pour le Trésor public qu’il vise pourtant à renflouer.
En étouffant ces opérateurs dynamiques et argentés, l’administration fiscale n’assèche-t- elle pas les caisses des seuls preneurs de bons du Trésor dont le marché hebdomadaire maintient le Trésor public sous perfusion.
L’art de tuer la poule aux œufs d’or !
Au moment où s’ouvre la table ronde des bailleurs de fonds à Bruxelles, notre pays pouvait bien se passer de cette mauvaise publicité qui va à l’encontre de la doctrine libérale en vogue par les temps qui courent.
Cheikh Sidya
Source: Biladi