Remaniement ministériel ou élections législatives et municipales anticipées : Ould Abdel Aziz dispose t-il d’une marge de manœuvre suffisante ?

Remaniera ou ne remaniera pas, organisera ou n’organisera pas d’élections anticipées, le président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz voudrait bien franchir l’un ou l’autre pas, mais le choix s’avère difficile car il n’a pas toutes les cartes politiques en main pour décider tout seul.

 

 

Le pouvoir réel est entre les mains d’un trio, chacun s’appuyant sur des hommes de confiance dans tous les rouages du système. Certes que Mohamed Ould Abdel Aziz reste l’homme fort du pays, mais le général chef d’Etat major de l’armée nationale, Mohamed Ould Ghazouani est aussi un homme très puissant qui a son mot à dire dans tout ce qui se décide ou du moins pour l’essentiel, dans les grands dossiers sécuritaires, politiques, économiques, culturels et sociaux. Autant Ould Abdel Aziz et Mohamed Ould Cheikh Ould El Hadi de la Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN) s’occupent du sécuritaire, autant Ould Ghazouani s’occupe du politique. L’hypothèse selon laquelle Moulaye Ould Mohamed Laghdaf et Mohamed Ould Mohamed Lemine devraient leurs nominations, respectivement au poste de Premier Ministre et de président provisoire de l’UPR, à Mohamed Ould Ghazouani comme tant d’autres hauts fonctionnaires, cadres moyens et subalternes de l’administration, reste plausible. Les établissements et entreprises publiques, auraient suivi et cela continue, une certaine clé de répartition. Mais dans ce jeu au cheval d’arçon, des indices clairs sont là pour prêter sujet à interprétation.

Qui ne dit rien consent

Il y a d’abord la polémique engagée par les déclarations de Moulaye Ould Mohamed Laghdaf et sa ministre de la culture Mme Cissé Mint Boïdya, au sujet de l’arabisation de l’administration. Des propos qui n’ont eu pour mérite que de remettre au goût du jour, le débat sur l’unité nationale. A cette occasion, l’Université nationale fût le théâtre de contestations et d’affrontements entre étudiants. Seule réponse à son silence, le président de la République aurait confié : « c’est fait contre moi » sans en dire plus à son interlocuteur. A son retour du sommet de Syrthe en Libye, il procédait à un petit remaniement ministériel consacrant le départ de quelques ministres dont le plus surprenant fût le départ de son ministre des finances, M. Kane Ousmane et la création d’un département ministériel des affaires africaines à la tête duquel Mme Bâ Coumba est catapultée du ministère de la fonction publique qu’elle occupait jusqu’alors. L’opinion est sceptique, et les interrogations fusent pour comprendre. Ould Abdel Aziz contrôle t-il totalement le gouvernement ? Si cela était le cas, la logique voulait qu’il se débarrasse de son chef du gouvernement en même temps que la ministre de la culture pour faute de gestion d’un dossier sensible. De toute façon il aura fallu cet incident pour que des observateurs avertis notent l’incohérence qui caractérise l’équipe gouvernementale en poste. Second dossier qui taraude les esprits, le pied de nez fait à Ould Abdel Aziz par certaines formations politiques chauvines dont un responsable de haut niveau de l’UPR, partis prêter allégeance à Mouammar El Kaddafi à Syrthe et ce au moment où le chef de l’Etat est présent en Libye pour le sommet de l’Union Africaine. Là aussi, le président de la République est resté silencieux autant que l’UPR qui n’a pas pipé mot. Ne dit-on pas que ne dit rien consent ?

Reculer pour mieux sauter
Alors qu’est ce à dire de toute cette situation ? Qu’il ait ou non la volonté de changer son gouvernement ou d’organiser de nouvelles élections législatives et municipales anticipées, dans les deux cas, il n’a pas une marge de manœuvre suffisante pour en décider car trop d’inconnues demeurent. Dans le cas d’un remaniement, quand bien même il veut mettre en place un gouvernement d’union élargie à la majorité présidentielle, des obstacles sérieux s’y opposent. Ould Ghazouani acceptera t-il un gouvernement qu’il ne contrôle pas aux postes clés ? Idem dans le cas d’une élection anticipée, il n’est pas évident qu’ils s’entendent non plus sur les investitures. Car Mohamed Ould Ghazouani aura certainement son mot à dire et ne compte certainement pas lâcher le morceau UPR. En vérité, dans cette bataille en sourdine au sommet du pouvoir, tout est question de rapport des forces. Et pour l’instant, c’est encore l’équilibre mais forcément un jour ou l’autre un camp l’emportera contre l’autre.
A défaut de crever l’abcès une bonne fois pour toute pour se délier les mains, Ould Abdel Aziz n’à d’autres choix que de différer ses intentions. Dans une République à trois têtes, et où les ambitions sont inavouées, il est difficile voire impossible de conjuguer le terme entente.

Moussa Diop

 

Source  :  www.quotidien-nouakchott.com  le 19/05/2010

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