Qu’est-ce qui a donc pris le premier ministre mauritanien Ould Laghdaf et sa ministre de la culture, pour qu’un jour de mars 2010, le premier sonne « « l‘arabisation complète de l‘administration» et la seconde affirme avec véhémence « l’arabité de la Mauritanie ». Ces mots sont en train de revivifier des maux anciens de la Mauritanie, la division ethnique et suscitent des débats passionnés, sur une thématique jusque là évitée et même oubliée. Faut-il voir dans les déclarations incriminées, après les demandes d’explication des communautés non arabes et les essais de démentis des personnalités concernées, une maladresse langagière, qui soumise aux feux de la médiatisation, dans un contexte de crise sociale, a dépassé son objectif initial ? Ensuite une récupération par les nasséristes d’obédience nationaliste qui cherchent à se faire une audience dans l‘espace public mauritanien? Cependant, suite aux déclarations du premier ministre mauritanien, des réactions venus de tous bords sont venues confirmer « qu’une erreur avait été commise » et qui apparaît comme une lourde faute de communication.
Si le gouvernement a essayé de corriger cette « bourde », l’absence de déclarations de Mohamed ould Abdelaziz semble une anomalie pour tous les analystes de la vie politique mauritanienne. Comment comprendre le silence du président Ould Abdelaziz, dans cette polémique?
Pourquoi, le président mauritanien, qui lors de son élection, s’était vu qualifier par les « arabes mauritaniens », les maures, d’ami des ethnies noires, les ethnies pulaar, Wolof et soninké, parce qu’il avait reconnu la faute de l’Etat lors des événements de 1989, et promis de solder le passif humanitaire, laisse t-il s’étendre ce débat, favorable à la division ? Faut-il voir là toujours la même logique, celle de ce fameux « jeu du poker menteur », où tout est permis pour faire monter les enchères et faire casquer le maximum à l’adversaire ? Que gagne le pouvoir mauritanien, à s’auto-désigner comme le défenseur de l’arabité, créant une opposition dénuée de tout fondement réaliste avec «la langue française », dont la place est reconnue et non remise en cause?
Cette posture est d’autant plus paradoxale que le président mauritanien est réputé avoir acquis une légitimité grâce aux français, ce qui lui a valu d’être considéré comme « l’homme des français ». Certains analystes semblent, cependant, faire état de certaines tensions entre le pouvoir à Nouakchott et l’Elysée, exaspéré, dit-on, par une certaine forme de personnalisation du pouvoir. On pourrait croire aussi que par la mise en danger, de la langue française en Mauritanie, en mettant à mal francité, il chercherait à se défaire de cette image trop encombrante, dans un contexte de difficultés économiques et sociales.
Il est vrai que malgré la visibilité des européens et l’accroissement du partenariat sécuritaire avec les moyens attendus pour leur financement, il subsiste un malaise social et politique réel. Cette situation, l’opposition l’a très bien analysée, elle, dont le silence étonnait tous les observateurs, s’est saisie de tous les thèmes de mécontentement, pour demander rien de moins que le départ du Président. Messaoud Ould Boulkheir, lors de l’ouverture de la session parlementaire n’a pas hésité, fort de sa présidence, à fustiger un pouvoir jugé dictatorial et préjudiciable au pays.
Il faut donc croire que les balbutiements et les petits bruits du champ politique mauritanien pourraient présager de nouveaux moments de crise politique. Ce qui semble établi, selon certains analystes, c’est que le pouvoir mauritanien joue un jeu dangereux, à quitte ou double, qui risque de se retourner contre lui. Pour notre part, nous préférons croire que la Mauritanie est dans un contexte social et politique difficile et que ces petites crises, une fois de plus, ne dénotent qu’une seule chose, la vivacité du champ politique mauritanien.
Source: Davidson pour Ciesma-biladi