L’édito de Mohamed Fall ould Oumeir

Cette semaine s’ouvre le procès des salafistes jihadistes. Le deuxième du genre, si l’on compte celui, bâclé, de juillet 2007.

‘Bâclé’ pour n’avoir pas permis de faire le procès de l’idéologie et d’apporter la contradiction à ses adeptes. Pour avoir été fait dans une atmosphère de fausses retrouvailles, de fausses réconciliations, de fausse indulgence. Pour avoir laissé croire qu’on était en face de justiciables «normaux»…

Ce n’est pas pour rien que l’on retrouvera la plupart des «acquittés» de ce premier procès au cœur de l’action criminelle qui devait frapper le pays dès les semaines qui suivront. Au moment où on l’attendait le moins.

Cela commence le 24 décembre 2007 aux environs d’Aleg avec l’assassinat de quatre touristes français. Comme par hasard, le jour de Noël.

Trois jours après, un commando jihadiste est pris en chasse par une voiture de l’Armée aux environs de Ghallawiya. Embuscade qui fait trois morts, tous les occupants du véhicule de l’Armée nationale. C’était le 27 décembre 2007.

Puis vinrent les folles semaines de Nouakchott. Attaque de l’ambassade d’Israël et de la boîte de nuit VIP qui la jouxte en plein cœur de la ville (1er février 2008). Cavale de Sidi Ould Sidina, l’un des présumés assassins d’Aleg, qui a fui du Palais de justice sans gros efforts. Echanges de tirs dans la ville pendant les semaines qui suivent. Puis la grande campagne d’avril. Enfin des résultats que le Général Mohamed Ould Ghazwani, directeur à l’époque de la sûreté nationale, pouvait présenter aux autorités politiques et à la population : démantèlement de la plupart des cellules de la branche locale d’AQMI sans gros dommage (un policier tué et quelques autres blessés). Le pays s’en tire, «à moindre frais» s’aventurent certains. Oubliant tout le préjudice subi.

Quand la première attaque est déclenchée en décembre, la Mauritanie venait d’obtenir la promesse de financement de ses projets de développement pour les trois années à venir. Le Groupe Consultatif qui s’est tenu à Paris au début de décembre, avait promis plus de trois milliards de dollars. Une première. La Mauritanie était alors une promesse de développement, de stabilité, de sécurité et de démocratie.

L’action de quelques jeunes «perdus» (pour tout le monde) allait sérieusement compromettre cette image qui devenait la première ressource d’un pays qui n’avait que la culture de la tolérance, de la mesure, de la pratique d’un Islam humaniste des sources… qui n’avait que ça à offrir.

Avant Aleg, on avait cru que Lemghayti n’était qu’un épisode malheureux à mettre sur le compte des errements du régime d’avant août 2005. On avait cru qu’il suffisait d’être indulgent envers les activistes et coopératif avec leurs idéologues, pour éviter au pays les attaques. Qu’il suffisait de dire que le terrorisme n’existait pas pour ne pas le subir.

Même après Aleg, l’autorité politique a hésité. Préférant parler de «crime crapuleux» comme si tous les crimes ne l’étaient pas, l’autorité a nié un moment l’existence de la menace terroriste sur le pays. Et ce ne sont pas les révélations des prisonniers qui allaient l’en convaincre.

Il aura fallu l’attaque de Tourine, puis les enlèvements successifs des humanitaires espagnols et des touristes italiens pour se rendre de l’ampleur de l’implantation de AQMI dans notre pays.

Côté Armée cela s’est traduit par la mise sur pied d’unités spécialement dédiées à la lutte contre le terrorisme et incidemment les trafics dans le nord et l’est du pays. Des unités spéciales sillonnent le désert de la Maajabaat el Koubra depuis quelques mois. La zone est déclarée «zone militaire».

Mais cette lutte ne peut donner de résultats qu’avec une sérieuse prise en charge par les services des renseignements du phénomène à la base. Ce travail commence par la mobilisation des tribus sahariennes au côté des Etats qui doivent accélérer la mise en œuvre de l’action commune. Phénomène transfrontalier, le terrorisme nécessite une réponse transfrontalière.

Trêve de mésentente avec le Mali, d’exclusion du Maroc, du Sénégal de la sainte alliance anti-terroriste. La lutte contre la criminalité transfrontalière ne peut se faire que de concert.

Resteront les efforts que chaque pays devra faire à son niveau.

Reprise en main par l’autorité centrale de l’ensemble du territoire national, contrôle des passages, des points d’eau, des mouvements de population, des activités licites et illicites…

Restera surtout, le traitement que la justice consacrera à ceux qui sont jugés dans ce cadre. Depuis hier, dimanche, tous les yeux sont rivés vers le Palais de Justice de Nouakchott…

MFO

La Tribune N°501 du 17 mai 2010

 



Articles similaires

Bouton retour en haut de la page