Rosso, Mauritanie: un prêtre sans paroissiens

Rosso, Mauritanie: un prêtre sans paroissiens. A

 Richard Toll, nord du Sénégal, nous quittons les Frères de Ploermel qui y tiennent une école pour passer la frontière en bac à Rosso.

 

 

 

Les deux rives du fleuve Sénégal sont bien différentes. D’un côté, les manguiers et les cultures verdoyantes; de l’autre, le sable, la poussière, la crasse. Nous tamponnons nos visas mauritaniens en slalomant entre les demandes de bagshish et sonnons à la porte de l’église.

Le père Bernard Pelletier, en Mauritanie depuis 41 ans, nous accueille. Dans la cour de sable de la mission où trône la plus vieille église du pays, nous nous asseyons sur un banc de pierre à l’abri du soleil qui cogne déjà. Père Bernard raconte.

L’église de Rosso a conservé une croix apparente: un cas unique en Mauritanie. Après l’indépendance, certains veulent la faire enlever mais les anciens s’y opposent arguant qu’elle fait partie du patrimoine de la ville. « Ici finalement les relations avec les musulmans sont très bonnes » ajoute le prêtre d’un air complice.

Avant l’indépendance et le départ de l’armée française, l’église de Rosso est comble tous les Dimanches. Aujourd’hui il n’y plus que le prêtre, trois religieuses et éventuellement un ou deux étrangers de passage. Une église sans fidèles, un prêtre missionnaire (spiritain) qui n’évangélise pas.

Sa vocation est de « vivre avec« , de créer des amitiés, de provoquer le dialogue. Après avoir, comme les trois religieuses de Rosso, travaillé dans divers projets caritatifs, il ouvre en 2005 une bibliothèque dans l’enceinte de la mission pour les enfants et étudiants de la ville. Elle emploie deux personnes, met à la disposition des jeunes des manuels scolaires, des livres de littérature, des manuels scolaires, des journaux et deux professeurs pour les aider dans leurs recherches et exposés. On y propose aussi des cours d’anglais et d’espagnol.

Tous musulmans, « les jeunes se sentent ici chez eux« . Le but n’est pas d’évangéliser mais bien d’aider au développement du pays à travers la formation de la jeunesse. La bibliothèque du Père Bernard est unique en son genre à Rosso. La clé de la présence de l’Église dans cette république islamique où tout converti autochtone encourt la peine de mort est bien la discrétion et un grand respect de la foi musulmane. Le père ne professe sa foi que dans l’enceinte de la mission et ne propose pas le baptême.

Il rayonne. Ce normand à la bouille réjouie semble un homme heureux. Lors de la mort du Pape Jean-Paul 2, les imams de la ville témoignent leur sympathie au missionnaire et assurant prier pour le pontife. « Si des hommes de culture, de race, de religion différentes peuvent vivre ensemble, alors le Royaume de Dieu n’est pas loin« . La profondeur du regard et l’exemple de vie donnent envie d’y croire.

Source  :  http://blog.lefigaro.fr/  le 14/05/2010

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