Pouvoir/opposition : La (gué) guerre des nerfs

La Coordination de l’Opposition Démocratique (COD) a organisé une journée de réflexion, vendredi dernier (7 mai). Un conclave en forme de véritable séminaire, pour poser le diagnostic de la crise politique, économique, sociale et sécuritaire qui prévaut dans le pays.

 

 

 

Une situation dont l’entière responsabilité est imputée au président Mohamed Ould Abdel Aziz. La conséquence de ce constat est un engagement à user de tous les moyens démocratiques et pacifiques, pour provoquer la chute du régime dont l’homme est l’incarnation.
La cérémonie d’ouverture publique était présidée par Ahmed Ould Daddah, président de la COD qui a prononcé un discours dans lequel il a situé l’événement : la Coordination a demandé, au cours de son meeting du 17 avril le départ de Mohamed Ould Abdel Aziz et de son pouvoir. Elle se fonde dans cette revendication sur le danger que ce régime constitue désormais pour le pays et compte, à travers cette rencontre et d’autres qui seront organisées ultérieurement (notamment un meeting populaire le 15 mai à Nouadhibou), mobiliser ses cadres et militants, les écouter et préparer avec eux ‘’le combat démocratique qu’elle compte mener pour atteindre son objectif.’’

Un document provisoire a été  lu à l’assistance ‘’en vue d’uniformiser le discours et de susciter un débat constructif et enrichissant.’’
Quels seraient ces moyens autres qu’une occupation de la rue? La COD a-t-elle suffisamment de force(s) pour chasser le pouvoir, en animant une révolte populaire, dans un contexte mauritanien ou la fatalité est un trait dominant de la mentalité? Une certitude, pour le moment: on assiste à une montée continue de la mayonnaise, dans la guerre psychologique sans répit, engagée entre les deux pôles, depuis l’élection présidentielle du 18 juillet 2009 et la victoire, contestée, de l’actuel président de la République.
La guerre froide se prolonge par de fréquentes manœuvres psychologiques, à travers lesquelles chacun cherche à impressionner et effrayer l’adversaire, sans jamais dépasser, pourtant, les lignes rouges. Du moins, jusqu’à ce jour. En fait, la violence se limite au verbe. Pour  le régime en place, la barrière à ne pas franchir est l’embastillement des opposants pour des propos qui relèvent, à l’évidence, de la liberté d’expression.
On se tient en respect. Une tactique selon laquelle chacun bande ses muscles, pour ne pas avoir en faire usage et dissuader l’autre, sous le simple effet de la peur. Une véritable surenchère dont l’explication n’est pas étrangère au contexte politique et économique dans lequel se trouve la Mauritanie. Celui-ci est marqué par le début de la session ordinaire du Parlement, sur fond de rumeurs de dissolution de l’Assemblée nationale. Quant à la dimension économique du bras de fer prolongé, elle renvoie aux préparatifs de la table ronde des partenaires sur la Mauritanie, prévue, en principe, au mois de juin, à Bruxelles.
 COD sur deux fronts
Du côté de la COD, on voudrait profiter, à fond, de ces deux événements, pour faire entendre sa voix au maximum. L’appel au dialogue, sur la base de l’accord de Dakar, formulé par l’opposition, a été rejeté par le pouvoir. La faute à quelques calculs d’épicier, liés, notamment, à la détermination de ne pas partager le gâteau des prébendes de l’Etat. En réaction, on en est, désormais, venu à exiger la démission du président de la République. En attendant une toujours hypothétique ouverture des médias d’Etat, les élus veulent profiter de la tribune offerte par la  session du Parlement, dont les débats sont retransmis par la radio et la TVM,  pour faire entendre leur voix et arguments au petit peuple, bien au-delà de l’élite.
L’attitude des amis de Messaoud Ould Boulkheir et d’Ahmed Ould Daddah trouve, aussi, une partie de son explication dans la prochaine table ronde des partenaires sur la Mauritanie qui aura pour cadre   Bruxelles, si elle n’est pas, une nouvelle fois, renvoyée à on ne sait quelles calendes. Un climat politique apaisé serait, pourtant, un bon argument avant une échéance au cours de laquelle le gouvernement doit user de   tous les artifices de charme, pour convaincre des investisseurs réticents à s’engager sur un terrain à hauts risques. Ce qui peut donner, à certains partenaires soutenant la manifestation, la bonne idée de faire pression sur le pouvoir, pour l’amener à plus de «souplesse», vis-à-vis de son opposition. Faute de quoi, la COD pourrait continuer à «polluer» la vie politique, par des déclarations guerrières et, parfois, incendiaires, faire durer la crise, avec le souhait, démocratiquement inavouable, d’une nouvelle irruption de l’armée dans l’arène politique, conformément à une «vieille» tradition fortement ancrée chez nous.
Vieilles recettes
Face de cette tactique de surenchères menée par l’opposition, Mohamed Ould Abdel Aziz garde le silence, depuis le meeting d’Arafat, tenu le 13 mars dernier. Une absence de réplique, en nette rupture avec son image de franc-tireur. Cependant, certains indices semblent annoncer son retour à la tactique  des premiers mois qui ont suivi le putsch du 6 août 2008.
Pour contrer la propagande de l’opposition sur l’échec du régime, il va relancer le chantier des « réalisations » socio économiques.
Ainsi, la SOMELEC vient de signer une société britannique  un contrat pour la fourniture de 34 mégawatts d’électricité à la ville de Nouakchott dans de brefs délais.
Parallèlement à cela, l’Union Pour la République (UPR) est sur le point d’achever son implantation. En fait   une véritable opération d’enrôlement de populations dont certaines pensent à un recensement administratif, faute d’explications suffisantes. 
 Pour le reste, la recette vieille recette revient au goût du jour.
On souffle sur les braises de certains dossiers endormis, dans le cadre de la campagne de lutte contre la gabegie. Illustration avec la convocation de l’ancien Premier ministre, Yahya Ould Ahmed El Waghf, «invité», par le juge Mohamed Salem Ould Mah, à une nouvelle séance d’explications sur le riz «avarié»,  pour le jeudi 13 mai prochain. Peu importe l’exception de l’incompétence du magistrat, soulevée par la défense, en la personne de maître Brahim Ould Ebetty,  car les faits objets de «poursuite relèvent de la Haute Cour de Justice (HCJ)»:  la pression reste toujours là. Ainsi va, à la petite semaine, la guéguerre des nerfs entre Ould Abdel Aziz et ses «amis»…

Amadou Seck

 

Source  :  www.lecalame.mr  le 12/05/2010

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