Les années de grandes sécheresses ont porté un coup fatal à cette activité. Le rétrécissement des surfaces cultivables conjugué au déficit pluviométrique ont conduit à la baisse drastique des productions.
Pendant cette période, la Mauritanie à l’instar de plusieurs pays du Sahel a connu des déficits énormes de production qui ont conduit à des situations d’insécurité alimentaire.
Pour palier ce phénomène devenu quasi chronique, la Mauritanie s’est alors engagée dans une intense politique de promotion de l’agriculture irriguée.
Les bailleurs de fonds particulièrement l’Union Européenne, n’ont pas hésité à accompagner la Mauritanie dans sa nouvelle priorité qui consistait à juguler les effets de la sécheresse et à jeter les jalons de l’autosuffisance alimentaire préalable à toute indépendance économique.
Déjà à l’époque, plusieurs voix s’étaient élevées pour dénoncer l’énormité des fonds alloués au développement de l’agriculture irriguée. Certains n’avaient pas hésité à qualifier ces investissements « d’éléphants blancs.»
Après environ 30 ans d’expérience dans l’agriculture moderne, l’on se pose la question de savoir si ce secteur hautement promoteur est capable d’atteindre les objectifs fixés par le gouvernement?
Une analyse du contexte peut nous aider à comprendre ce secteur et à évaluer le chemin parcouru par notre pays dans la quête existentielle de son autosuffisance alimentaire.
Au début des années 80, la production rizicole au sein du Périmètre Pilote de Kaédi était supérieure à 6 tonnes à l’hectare. Cette abondance sera de très courte durée. A la dégradation continue des périmètres s’est venue s’ajouter une avalanche d’orientations et de mesures suspectes qui ont augmenté les charges alors que la production, elle, baissait inéluctablement.
Durant les dix dernières années le rendement moyen dépasse rarement 3 tonnes à l’hectare pendant que les charges globales d’exploitation d’un hectare elles sont passées de moins de 20 000 UM en 1985 à environ 100. 000 UM en 2008.
Parmi les handicaps, on note l’augmentation exponentielle du prix de l’engrais qui est passé de 800 à 6.000 UM en l’espace de 10 ans, le retard dans le démarrage des campagnes estivales, l’absence d’un encadrement, l’inexistence de moyens mécaniques comme les tracteurs et les moissonneuses batteuses pour ne citer que ceux-là.
Il arrive très souvent que certains intrants subventionnés par l’état, se retrouvent entre les mains des commerçants qui les revendent aux véritables exploitants à des prix prohibitifs.
A titre indicatif, en 2008, l’état Mauritanien a alloué au Programme spécial d’Intervention un montant de 165 millions de dollars Américains destiné notamment à faire augmenter la production agricole
Malgré cette situation, l’état Mauritanien et ses principaux bailleurs de fonds continuent pourtant d’investir toujours dans l’agriculture des milliards d’Ouguiyas.
Quelle destination prennent ces sommes faramineuses ? La réponse à cette question est pratiquement connue de tous les Mauritaniens, mais pourtant jusque là aucune mesure sérieuse n’a été prise pour empêcher cette hémorragie.
Au lieu de développer l’agriculture, ces fonds profitent plutôt aux hommes d’affaires avec la complicité active des services compétents. L’exemple des milliards d’ouguiyas alloués par le régime précédent à certaines banques pour développer l’agriculture en est une illustration parfaite.
Au début des années 2000, l’Etat avait investi dans une campagne communément appelée « plan d’urgence » plusieurs millions d’ouguiyas pour soutenir les paysans et les éleveurs durant la période de soudure. Ces millions ont été détournés et les coupables au lieu d’être sanctionnés sont au contraire promus à de hauts postes de responsabilité.
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A cela s’ajoute la dégradation continue du niveau de vie des paysans rizicole qui est lisible à travers la baisse vertigineuse de leur pouvoir d’achat.
Face à une telle situation on est parfois tenter de se demander si le développement par l’agriculture rizicole est possible en Mauritanie ?
Néanmoins, la riziculture constitue le seul espoir pour environ de 80.000 habitants du département de Kaédi. Ces populations attendent avec impatience l’achèvement des travaux de réhabilitation des périmètres qui n’ont pas été exploités depuis environ 2 ans.
Le Ministre de l’agriculture a promis lors de sa dernière visite au Gorgol que les travaux de réhabilitation seront terminés dans les délais et le gouvernement s’est engagé à redynamiser le secteur par une série de mesures.
Mais si des garde-fous ne sont pas érigés, ces bonnes intentions risquent encore une fois de plus de se heurter aux nombreux prédateurs qui n’ont comme seul objectif que de détourner les investissements alloués à ce secteur.
Ils sont de tout ordre et existent malheureusement à tous les niveaux aussi bien dans l’administration que dans la société civile.
Il est pratiquement admis par tous que l’agriculture constitue le moteur de tout développement durable, mais jusque là les avis divergent quant au type d’agriculture et à l’approche qu’un pays doit adopter pour mieux développer ce secteur.
Les experts semblent privilégier la voie du petit producteur qui produit d’abord pour satisfaire ses besoins et les besoins de son marché immédiat. Cette approche a l’avantage de soustraire les populations pauvres au diktat des prix des denrées importées et du coup d’alléger la balance de paiement de nos Etats qui est généralement écrasée par les coûts des denrées de première nécessité à l’importation.
Cette démarche va faire disparaître les nombreux spéculateurs et permettre aux petits exploitants de mieux bénéficier des appuis de l’état.
A cet effet, des mesures d’accompagnement comme l’introduction de la diversification (maraîchage, fruits etc.), la conservation des produits agricoles et l’accès au marché doivent être prises en compte afin d’aider le petit exploitant à produire encore davantage et à bénéficier en premier lieu du fruit de son labeur, ce qui va directement amener nos pays à atteindre leurs objectifs dans ce domaine.
Baliou Coulibaly
Source : www.rim24.info le 11/05/2010