Ouverture le 15 mai du procès de plusieurs présumés terroristes: Lenteurs et procédures

Plusieurs affaires relatives à des infractions terroristes seront jugées, à l’occasion de la prochaine  session de la Cour criminelle du tribunal de Nouakchott qui débute ses assises le 15 mai.

 

 

 

 

 

Cette annonce a été faite, le jeudi 26 avril, par le procureur de la République près le tribunal de la wilaya de Nouakchott, Amadou Ciré Ly, à l’occasion d’une rencontre avec la presse. Un point de presse au cours duquel le magistrat a rejeté toutes les allégations faisant état de «lenteurs», dans la conduite des différentes procédures, dont les infractions terroristes présumées, avec, comme accusés, des islamistes détenus à titre préventif. Le procureur a, notamment, affirmé «qu’aucun dossier ne fait l’objet d’obstruction volontaire, les règles fixées par les textes sont scrupuleusement respectées, tous les cas de détention préventives sont conformes à l’article 138 du Code de Procédure Pénal (CPP)».

En fait, les allégations de «lenteurs» prennent, simplement, leur source dans la conduite normale de l’instruction des différents dossiers auxquels la loi ouvre des délais de recours, en faveur de toutes les parties au procès pénal. Ce que, parfois, les prévenus, leurs proches et leur défense perçoivent comme des «retards injustifiés», alors qu’il s’agit d’actes de procédure  indispensables à la mise en état des dossiers, avant tout procès, estime le ministère public.
Sur la base de l’article 138 du CPP visé, par le procureur, lors du point de presse de jeudi dernier, la durée de la détention préventive «peut être portée à 2 ans, si les éléments constitutifs de l’infraction ont été commis hors du territoire national ou si l’individu est poursuivi pour homicide volontaire, trafic de drogue, terrorisme, association de malfaiteurs, prostitution, viol, brigandage ou pour cause d’infraction commise en bande organisée».
Il existe des cas où le délai de détention préventive peut être prorogé, soit d’office, par ordonnance motivée du magistrat instructeur, ou sur réquisition – en fait, à la demande – du procureur de la République. Mais en tout en état de cause, l’instruction doit aller avec célérité, en pareilles circonstances. Le magistrat du Parquet a, par ailleurs, affirmé que toutes les conditions d’un procès équitable seront réunies, devant la Cour criminelle, lors des assises à venir.
Les révélations du procureur annonçant l’enrôlement d’affaires liées au terrorisme, à l’occasion des assises de la cour criminelle de Nouakchott, interviennent après un mouvement de protestation de plusieurs  détenus islamistes, présumés terroristes et de leurs proches. Ceux-là avaient, notamment, observé une grève de la faim, pour dénoncer des «lenteurs » dans l’enquête concernant leur dossier. Ils exigeaient un procès rapide et équitable, avec le respect de toutes les garanties concernant les droits sacrés de la défense, parmi lesquels et notamment, la présomption d’innocence.     

Qui sera devant les juges de la criminelle?
Actuellement plusieurs dizaines d’islamistes présumés terroristes sont détenus, à titre préventif, à la prison située tout près du palais de Justice de Nouakchott. Ces individus ont été arrêtés dans le cadre de rafles successives, à des périodes différentes, parfois peu rapprochées les unes des autres. Il apparaît ainsi que les dossiers de ces personnes ne sont pas au même niveau d’instruction. Quels sont, alors, les individus dont les dossiers ont fait l’objet d’une ordonnance, définitive, de renvoi devant la Cour criminelle? La dernière sortie du procureur ne fournit pas de réponses à cette interrogation. Toutefois, le dimanche 2 mai dernier,  le journal  «Tahalil» a  levé un coin du voile, en avançant, sur son site Internet, un chiffre de 15 dossiers et certains noms d’individus qui seront présentés devant la Cour.
Il s’agit, notamment, des présumés auteurs de l’attentat d’Aleg, qui a coûté  la vie à quatre touristes français, le 24 décembre 2007: Sidi Ould Sidina, Mohamed Ould Chabarnou, Maarouf Ould Haiba  En plus du dossier de l’attentat d’Aleg, passeraient, devant les juges de la Cour criminelle, les personnes impliquées dans la présumée attaque contre l’ambassade de la Sionie – ou contre la discothèque voisine – au mois de février 2008.
Une procédure  qui devrait mettre en lumière le rôle d’une grosse pointure, l’émir Khadim Ould Seman. Un «chef» qui  aurait joué un grand rôle dans ce coup fumant, avec le concours d’une dizaine de codétenus. Les esprits de plusieurs témoins, présents, à l’occasion du lancement du dialogue entre le gouvernement et le groupe de détenus qualifiés de salafistes, restent, encore, frappés par la sortie de ce dur à cuire, brandissant le logo d’Al Qaida, histoire de signifier  sa détermination à poursuivre le combat contre les «infidèles», ici, en Mauritanie, et partout dans le monde. Un acte de haute portée, au plan de la communication, accompli sous les yeux des représentants de la presse nationale et internationale, le 18 janvier 2010. 
Un message net et précis, d’une clarté aveuglante, non pas par rapport à l’innocence ou à la culpabilité, éventuelle, de l’émir, dans les actes spécifiés par les différents dossiers – c’est aux juges, seuls, de donner une réponse – mais concernant ses affiches idéologiques; sinon, ses convictions… 

Chapelet d’affaires en attente.
«Tahalil» constate, en suivant, que plusieurs dossiers resteront en attente. Ces affaires concernent, en particulier, des faits très graves comme le coup de Tourine (septembre 2008), l’attaque contre la position militaire d’Al Ghalawiya (décembre 2007) et les individus poursuivis pour l’assassinat  d’un ressortissant américain dans la commune du Ksar, le 23 juin 2009. Des affaires portant sur des faits d’une extrême gravité – atteinte à la sûreté de l’Etat, assassinats, actes de dévastation, association de malfaiteurs, attaques à main armée, brigandage, etc. Un chapelet  d’infractions criminelles dans le sillage des nombreux attentats terroristes et autres actes sanglants dont la Mauritanie a été le théâtre au cours des cinq dernières années.  Autant de procédures dont  l’instruction ne serait pas  encore bouclée.
On se rappelle que quelques individus jugés, par la Cour criminelle de Nouakchott en 2007, pour l’attaque contre Lemgheity, avaient été condamnés à des peines légères, pour certains, au regard d’autres infractions, alors qu’un grand nombre bénéficiait d’un verdict d’acquittement. Celui-ci avait déclenché de vives critiques contre le pouvoir de l’époque, avec les prolongements qu’on sait. Comme si les verdicts rendus par nos juridictions, dans les affaires sensibles, étaient, directement, dictés par le président de la République. A-t-on fourni les efforts indispensables pour passer,  d’une telle mentalité, à la garantie d’un procès équitable, dont le verdict ne serait dépendant que des faits, de la loi et de la conscience des juges? Laissons les faits, justement, répondre à cette troublante question…

Amadou Seck

 

Source  :  www.lecalame.mr  le 05/05/2010

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