Nouveau port minéralier: Le casse-tête chinois à la SNIM!

Irrespect des termes du DAO dans l’adjudication du marché de génie civil à une société chinoise pour un montant de plus de 72 millions d’euros, sans aucune expérience dans le domaine portuaire, prise de gros risques techniques, la pose de la première pierre de la construction du nouveau port minéralier de la SNIM a des relents de scandale économique.

 

Les pratiques douteuses de clientélisme achèvent de donner à cette adjudication une forte teneur en suspicions en ces temps de lutte contre la prévarication.

Le 18 avril dernier, le Premier ministre, Dr Moulaye Ould Mohamed Laghdaf procédait à Nouadhibou à la pose de la première pierre du nouveau port minéralier de la SNIM. Coût global annoncé:184 millions de dollars américains. Mais après les artifices de cette fête foraine, place à la gueule de bois. L’origine de cette suspicion est l’opacité et le peu d’orthodoxie qui ont entouré l’attribution du premier lot, dit marché de génie civil (voir fac-similé de l’avis d’appel d’offres). Le marché a été adjugé –une première dans l’histoire de la SNIM- à une société chinoise, SINOHYDRO.
En dépit de moult tentatives auprès de la SNIM pour trouver des explications, celle-ci est restée muette sur le sujet, aiguisant davantage la curiosité. Mais ce que l’entreprise tient pour «secret» n’est finalement, dans ses coulisses, qu’un secret de polichinelle. Et ce ne serait assurément pas pour les beaux yeux des chinois (!) que le marché leur a été assuré.

Déficit de transparence d’une transaction sulfureuse
A la SNIM, on ne veut rien savoir des «supputations » d’un journaliste, pourvu que le Premier ministre donne le coup d’envoi à la construction du gigantesque projet du nouveau port minéralier. On y voit probablement la matérialisation et le début d’exécution d’un gros marché comme la SNIM a l’habitude d’en sceller. De bout en bout, le montage de cette affaire laisse pourtant des traces indélébiles d’une adjudication préméditée. En effet, tout semble commencer le 22 Janvier 2010, date à laquelle le Président du conseil d’administration (PCA) de la SNIM, Mohamed Khaled Ould Sidiya, est limogé. Il est remplacé par Mohamed Chérif, admis à faire valoir ses droits à la retraite et proche parent de l’Administrateur directeur général de la SNIM. A la surprise générale, compte-tenu de la probité notoire de l’ex-PCA, aucune explication n’est donnée à cet événement qui l’emportait. Son tort, c’est d’avoir opposé une résistance à nouer ce marché.

Non respect des conditions du DAO

Beaucoup d’anomalies ont émaillé l’adjudication au profit de la société chinoise, détentrice du premier lot (génie civil). Au premier chef, l’irrespect de l’avale de garantie. Suite à une réunion tenue le 30 avril 2009, la SNIM avait pourtant signifié aux soumissionnaires éventuels, à l’issue de la visite des lieux, donc avant l’ouverture des offres, que l’Appel d’offres étant international il était exigé que la garantie de soumission soit émise par une banque de premier ordre. La SNIM a pourtant bien constaté qu’à l’ouverture des offres la garantie de SINOHYDRO ne remplissait pas cette exigence. Ce qui n’empêchera son offre technique d’être évaluée. Par la suite, il a été constaté que sur le plan de l’évaluation de l’expérience en matière de construction d’ouvrages similaires, l’entreprise SINOHYDRO soumissionnaire devait également prouver qu’elle avait construit au moins deux ouvrages similaires au cours des 15 dernières années pour une valeur supérieure ou égale à 40 millions d’euros chacun, comme stipulé dans le DAO (Sections 4 et 2 du volume I). Les exigences de ce cahier de charges seront royalement ignorées. De telles contraintes techniques étaient tout simplement insurmontables pour l’entreprise chinoise SINOHYDRO, non spécialisée et qui ne pouvait donc les satisfaire.
De plus, il est stipulé dans le même DAO, l’obligation pour tout soumissionnaire d’exécuter 70% de l’ouvrage sur ses propres moyens. Il est évident que SINOHYDRO ne disposant donc pas des équipements pour la solution variante demandée dans l’Appels d’Offres ne pouvait en toute logique satisfaire cette autre contrainte.
A ce stade des offres techniques, il parait clair que la sélection opérée s’est faite d’abord au détriment de l’intérêt national et ensuite au désavantage de la partie espagnole concurrente en repêchant la société chinoise pour passer le cap technique et pour par la suite lui attribuer le marché avec tous les risques imaginables. A la SNIM, on met au devant une différence des prix pourtant faible (5% environ) tout en faisant fi de la supériorité des offres espagnoles de base et leurs variantes, en plus de la qualité des services incomparables et du délai de livraison plus court de 5 mois que proposaient la société espagnole. Ce dernier aspect, seul, aurait dû convaincre en termes d’exploitation minière. Cinq mois de moins représentent, en effet, 5 millions de tonnes de fer eu égard aux objectifs de 12 millions de tonnes/an affichés par la SNIM elle-même. On se demande finalement si ce ne fut finalement pas un marché de dupes. De plus, l’offre des espagnols comprenait un dragage du site qui aurait permis l’accostage simultané de deux navires. Ce qui aurait permis d’éviter de pénaliser l’exploitation en cas de travaux de maintenance.
De source officieuse, on lie d’ailleurs le limogeage de l’ancien Président du conseil d’administration, Mohamed Khaled Ould Sidiya, justement au choix porté sur la société SINOHYDRO.
Ce qui pose la question de savoir quels seraient les bras assez longs qui se cacheraient derrière la société chinoise SINOHYDRO pour s’arroger dans de telles conditions ce marché? Et qui tirerait profit des commissions? Pour l’heure, tout ce que l’on sait c’est que le représentant de la société chinoise est notoirement connu dans les milieux du courtage pour avoir la priorité des faveurs des décideurs en charge des marchés de la SNIM. Il aurait eu, pour la circonstance et compte-tenu des changements opérés à la SNIM, l’intelligence de nouer de nouvelles alliances « agissantes » pour lui permettre d’arriver à ses objectifs au mépris des avis techniques qui n’étaient pas de toute façon les bienvenus et qui doivent demeurer étouffés.
Pour précipiter le fait accompli, la SNIM aurait déjà mobilisé l’intégralité de l’enveloppe du marché confié à SINOHYDRO pour la bagatelle somme de 26 milliards trois cents millions d’ouguiyas contrairement à la formule annoncée par le ministre de l’Energie et des mines qui parlait d’une prise en charge de l’ordre de 43% seulement.
Il est à préciser que l’ensemble des études relatives à ce projet sont confiées depuis 1999 à un bureau d’études français BCEOM qui a une grande responsabilité dans toutes les précédentes phases infructueuses du projet. Une vache à lait dont il ne pourrait se priver et cela est d’autant plus facile pour lui qu’il bénéficiait, à chaque fois, de la bénédiction du maître d’œuvre de l’ouvrage, en l’occurrence la SNIM elle-même.
Face à ce casse-tête chinois, les mauritaniens ne sont-ils pas en droit de se demander pourquoi la SNIM, qui se veut un modèle de bonne gouvernance et un réservoir de compétences, n’a pas daigné analyser les prix de deux soumissionnaires du même environnement, dont les structures des prix sont supposées être voisines. Pourtant, la différence sur la même option choisie qui est de 20 millions d’Euros à peu près est énorme entre les deux entreprises chinoises SNCTPC et SINOHYDRO, soit environ 30%. Il faut en tirer les conclusions qui s’imposent. Soit SINOHYDRO, retenue par la SNIM (après une ristourne insignifiante de 200.000 euros à la demande de la SNIM) pour un marché de 72.7 millions d’euros, qui méconnait l’environnement mauritanien et qui n’a pas d’expérience particulière en matière de construction portuaire, a cassé les prix. Dans ce cas, cela ne peut se faire qu’au détriment de la qualité et de la valeur de l’ouvrage. Ce qui laisse supposer que ceux qui l’ont choisi veulent hypothéquer l’avenir de la SNIM par incompétence ou par complicité intéressée. Ils auront sur la conscience (s’ils en ont?) cette tare. D’ailleurs le fait que les entreprises chinoises n’aient jamais pu jusqu’ici intégré le marché de la SNIM n’est pas fortuit. Pour la simple raison que cette dernière a toujours eu au moins le souci d’être aux normes de qualités requises (Iso 9001, 9002…).
Soit enfin la SINOHYDRO a proposé le prix réel pour cet ouvrage, et dans cette autre alternative, la SNTPC, beaucoup plus expérimentée et techniquement plus outillées, qui a proposé pour la même option une offre de 20 millions d’euros plus cher, aurait tout simplement arnaqué l’État mauritanien sur le port de Nouakchott, construit avec 288 millions Usd et 2% d’intérêt pour le prêt consenti par l’État chinois. Selon toute vraisemblance, la SNTPC aurait beaucoup de difficultés à pouvoir honorer dans les délais impartis (36 mois) la construction de ce port.
De toute façon, il y a, quelque part, anguille sous roche étant donné que les prix des deux projets (Nouakchott et Nouadhibou) ont été établis à la même époque.
Alors wait and see!

JD

 

Source :  www.quotidien-nouakchott.com  le 26/04/2010

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