La Tunisie renforce son tropisme africain

Malgré la crise économique, les échanges commerciaux entre la Tunisie et l’Afrique subsaharienne ont augmenté de 18% en 2009. La signature prochaine d’accords préférentiels avec l’UEMOA, la CEMAC et la COMESA devrait consolider davantage cette embellie.

 

Après avoir tourné le dos, durant plusieurs décennies, à sa profondeur subsaharienne, la Tunisie tente désormais par tous les moyens de renouer les fils distendus avec le continent, auquel elle a donné son ancien nom d’Ifriqiya. Fait très révélateur du tropisme africain naissant de ce pays d’Afrique du Nord, qui réalise 80% de ses échanges commerciaux avec l’Europe : pour sa première visite officielle à l’étranger, le nouveau ministre tunisien des Affaires étrangères, Kamel Morjane, a choisi de se rendre à Ouagadougou, les 8 et 9 février dernier. Durant son séjour dans la capitale du Burkina, le chef de la diplomatie tunisienne a plaidé pour un renforcement la coopération Sud-Sud entre son pays et l’Afrique subsaharienne, qu’il connait mieux que quiconque en Tunisie, pour y avoir passé une dizaine d’années en tant que représentant spécial du secrétaire général de l’ONU en RD Congo et responsable-Afrique au sein du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.

M. Morjane n’a pas raté l’occasion de rappeler que son pays « dispose d’une expérience de développement socio-économique qui lui vaut régulièrement les satisfecits des plus importantes instances financières et économiques mondiales », estimant que le modèle économique tunisien est « parfaitement transposable » au sud du Sahara. Et ce n’est pas le hasard du calendrier qui a voulu que la visite du chef de la diplomatie tunisienne à Ouagadougou intervienne deux semaines seulement avant une tournée africaine, d’une durée de six jours, du secrétaire d’État au Commerce extérieur, Chokri Mamoghli.

 

Accords préférentiels

A Libreville, Kinshasa et Yaoundé, où il a participé au 3e Forum d’affaires tuniso-camerounais, le secrétaire d’Etat tunisien a invité les opérateurs économiques à participer massivement au 1er Forum économique tuniso-africain axé sur le secteur des services, prévu les 15 et 16 avril à Tunis. Il a également exprimé la volonté de son pays de parvenir un accord commercial préférentiel avec la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Cet accord, qui a déjà obtenu l’aval des autorités de la sous-région, devrait être similaire à celui qui devrait être signé prochainement entre la Tunisie et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Ce dernier prévoit, notamment, une levée des barrières douanières réciproques sur une large liste de produits, ainsi qu’un renforcement de la coopération technique. Et pour diversifier davantage ses partenaires au sud du Sahara, Tunis va aussi entamer, d’ici l’été, des négociations sur son adhésion au Marché commun d’Afrique orientale et australe (COMASA), qui regroupe vingt États.

 

« L’arbre tunisien, qui a longtemps orienté son feuillage en direction de l’Europe, va désormais renouer avec ses racines nourricières, qui plongent au-delà du Sahara. »

 

Le regain d’intérêt grandissant de la Tunisie pour l’Afrique subsaharienne s’explique, notamment, par les excellents résultats obtenus par les exportateurs tunisiens sur la destination africaine. Malgré la crise économique, les exportations des biens vers l’Afrique subsaharienne ont augmenté de 15%, contre une baisse de 17,6% des exportations vers l’Europe. Le total des échanges de biens a, de son côté, enregistré une croissance de 18,4%, passant de 435 millions de dinars tunisiens, en 2008, à 514 millions (1 dinar = 0,53 euro) une année plus tard. « Ces chiffres sont largement en deçà de nos attentes. L’arbre tunisien, qui a longtemps orienté son feuillage en direction de l’Europe, va désormais renouer avec ses racines nourricières, qui plongent au-delà du Sahara », précise Mounir Mouakher, président de la Chambre de commerce de Tunis et l’un des négociateurs de l’accord de partenariat entre la Tunisie et l’UEMOA.

 

Coopération multiforme

Parallèlement aux exportations des biens, la Tunisie souhaite développer avec l’Afrique subsaharienne une coopération qui épouse les caractéristiques de son propre modèle socio-économique, basé sur les services, la formation du capital humain et la promotion du bien-être social. « Nous ne sommes pas venus uniquement pour vous vendre nos marchandises, mais pour vous inviter à une coopération multiforme dans les secteurs socio-économiques où nous bénéficions d’un expertise reconnue », a précisé à maintes reprises Chokri Mamoghli, lors de sa tournée en Afrique centrale.

Selon lui, les fournisseurs tunisiens de services sont déjà visibles sur le terrain en Afrique subsaharienne, à l’image de la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (STEG), sollicitée récemment par les gouvernements du Burkina-Faso et du Rwanda pour l’électrification de zones rurales, ou de la Banque de l’habitat, qui a participé activement à la création des banques spécialisées dans le crédit immobilier au Congo, au Mali et au Burkina-Faso. Plus récemment, le groupe tunisien Soroubat a décroché un contrat de 222 millions de dollars pour construire un nouveau tronçon de l’autoroute Abidjan-Yamoussoukro.

La dynamique est essentiellement portée par une expertise et une compétitivité tunisiennes dans des secteurs de l’ingénierie, du BTP, de la santé, de l’assainissement, ou encore de l’approvisionnement en eau et en électricité. 

 

Par Walid Kéfi, Tunis

 

Source  :   www.lesafriques.com  le 13/04/2010

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