Entre les désirs de l’opposition et ceux du pouvoir : le pays peut il continuer à tourner en rond?

aziz_aodSept mois après l’élection de Mohamed Ould Abdel Aziz, la crise politique semble se prolonger ramenant le pays à la période post-coup d’Etat.

 

La sortie présidentielle à Arafat, samedi dernier, les répliques immédiates de l’opposition, le mouvement de grève de la fonction publique, l’insécurité grandissante dans la sous-région (rapts des étrangers sur le sol national), la querelle identitaire, tout cela augure de lendemains incertains.

A l’évidence, la véritable crise que traverse aujourd’hui le pays se situe au niveau de l’absence de repères. Depuis bientôt cinq ans, le référentiel de tous les discours politiques, opposition et majorité, ramène invariablement à l’époque du régime d’Ould Taya.

Le vocable de « roumouz el vessad » utilisé d’abord, au cours de la première transition, pour mater toute velléité de résistance ou tentative de reconquête du pouvoir par ceux qui ont fait partie du régime de l’ancien président, a vite glissé, durant la seconde transition, pour désigner tous ceux qui étaient adversaires du régime. Au point qu’aujourd’hui, on oublie que trois régimes (Ely, Sidioca et Aziz) ont succédé à Ould Taya.

Ainsi, quand, par exemple, Ould Abdel Aziz, s’entourant déjà de figures de prou du régime tayaiste, parle des « Moufcidines » on ne peut penser qu’à ses opposants au sein du FNND et du RFD ayant appartenu au régime d’Ould Taya, leur « repentir-allégeance » pouvant effacer tous leurs « péchés ».

Où se situe la Majorité ?

Ceci nous amène à s’interroger où se trouve, aujourd’hui, la Majorité du président élu au premier tour. Les parlementaires frondeurs en première ligne pour défendre le « mouvement rectificatif » ? L’UPR, le parti du président qui souffre d’une « fronde » identique à celle qui a frappé naguère son géniteur, ADIL ? Certains proches influents au niveau du Palais ? Certains dignitaires militaires ? Les populations du Hay Saken ? L’IGE ? Le Parquet ? Ould Dedew qui libère des hommes d’affaires qu’on a cru emprisonnés à perpétuité ? Le Premier ministre qui sort d’hibernation tous les six mois ? Il est clair que l’immobilisme du Gouvernement, au-delà de la médiocrité évidente de certains ministres, ne peut résulter, logiquement, que d’une volonté du Président à tenir tous les rennes du pouvoir.

Cela peut être une stratégie de gouverner, une manière de s’assurer qu’on est le Chef sans l’ordre duquel, au moindre geste, c’est la porte ou…la prison ! C’est parfois une bonne chose quand le crédo est la lutte contre la corruption, le trafic d’influence et le détournement des deniers publics.

Mais, cette attitude ne peut s’éterniser. Ould Abdel Aziz l’a reconnu samedi quand il a dit, en substance, qu’un « président ne devrait pas être là pour régler des problèmes de gazra, mais qu’il devrait s’occuper plutôt à améliorer les conditions de vie des populations ».

Où se situe l’Opposition ?

Quand on parle, aujourd’hui de l’Opposition, il est difficile de lui trouver des repères, tant le nomadisme et la versatilité de ses positions qui ont caractérisé son parcours depuis le coup d’Etat de 2008, ont dérouté ses partisans et de nombreux observateurs, son principal parti, le RFD, ayant été l’un des soutiens précieux du coup d’Etat. Ces errements ont conduit à des attelages assez surprenants.

Ainsi, l’opposition traditionnelle et institutionnelle (RFD, APP, UFP) au régime d’ Ould Taya-ce repère étant omniprésent- devient l’allié et le défenseur des personnalités symbolisant ce système et pour lesquelles le pouvoir d’Aziz manifeste une haine viscérale. Le Mouvement des Cavaliers du Changement, devenu Hatem et les Islamistes de Tewassoul, auteurs d’une tentative échouée d’un coup d’Etat contre Taya, rejoignent la Majorité après les élections, même si la position des Islamistes demeure assez ambigüe : Tewassoul ne faisant partie ni de la Coordination de l’Opposition Démocratique, ni de la Coalition des partis de la Majorité.

Il est évident que cette composition ne reflète pas la réalité d’un paysage politique tant les approches et les stratégies des uns diffèrent des autres. Forte d’un personnel politique expérimenté tant sur le plan politique que sur celui de la conduite des affaires publiques, surtout les « Moufcidines », la Coordination de l’Opposition conduite par le trio de l’opposition historique (Messaoud Ould Boulkheir, Ahmed Ould Daddah et Mohamed Ould Maouloud) n’est pas tout simplement un « groupe de trois ou quatre personnes qui tentent à chaque fois de minimiser et de troubler les actions du régime », comme le répète le Pouvoir.

Le gros de ces troupes est presque né pour être au pouvoir, l’en éloigner est difficile, l’en empêcher est quasiment irréalisable. D’ailleurs, c’est pour cette raison que lorsque le Pouvoir a coopté Ould Rzeizim, membre du directoire d’Adil, les « Moufcidines » se sont regroupés pour affiner une stratégie d’intégration du pouvoir qui inclut que toute participation ne pourra être faite que dans le cadre d’un accord politique négocié avec Adil, ceci évitant les cooptations individuelles.

Cette tactique est déjà visible au niveau des pourparlers en cours en vue de la création d’un nouveau parti politique regroupant : Adil, le RPM de Louleid Ould Weddad, l’Alternative de Mohamed Yehdhih Ould Moctar Hacen et des personnalités qui ont quitté Adil pour soutenir les militaires et qui ont voté Ahmed Ould Daddah ou Ely Ould Mohamed Vall. Quel serait alors le but des promoteurs du futur parti, dont les principales composantes sont déjà membres de la Coordination de l’Opposition, si ce n’est une manière d’ouvrir des canaux avec le Pouvoir ?

Certes, Ould Abdel Aziz a clamé haut et fort qu’il n’est pas question de partager le pouvoir avec l’opposition. Mais, de quelle opposition veut-il parler ? Celle des « Moufcidines » d’Ould Taya ou celle des « Moufcidines » de Messaoud-Daddah-Maouloud ?

L’Accord de Dakar, mort ou vivant ?

Et l’Accord de Dakar dans tout cela ? En termes réels, celui-ci dit que dans le prolongement de l’élection présidentielle, le dialogue sera poursuivi, notamment en vue de la prévention de changements anticonstitutionnels et de la possibilité d’arrangements politiques de partenariat dans l’exercice du pouvoir. Mais, en réalité chacun des protagonistes sait que l’Accord est bien mort et pour preuve, aucun de se parrains ne dédaigne redynamiser les structures en charge d’assurer son suivi.

Le « cadeau » offert, hier mardi, par le FMI à la Mauritanie, à travers une facilité de crédit de 118 millions de dollars dont 17 millions déjà disponibles et le reste des décaissements soumis à des révisions semestrielles du Fonds durant trois ans, donne un avantage certain à Ould Abdel Aziz dont le Gouvernement a battu tous les records de contre-performance, la bonté du FMI ici étant une facilité à tous les pays du Fonds, au prorata de leurs quotas au sein de l’institution, pour juguler les effets de la crise mondiale 2008-2009.

C’est dire que le problème du pays est, avant tout politique. Relever les défis sécuritaires, sociaux, économiques, sans évacuer cette question, revient à tourner en rond.

Mohamed Ould Khayar

 

Source  :   La Presse  via  www.canalrim.info  le 18/03/2010

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