Les mêmes discours ont préparé février 1966, avril 1989… ont justifié les affres qui s’en sont suivis. Que nous préparent les présentes campagnes ?»
C’est la question que nous nous posions il y a deux semaines dans ces pages. Nous avons la réponse en partie. D’une part, il y a cet affrontement de l’université qui rappelle les douloureux événements de février 1966. Qui avaient aussi commencé dans le milieu scolaire. Heureusement que nous ne sommes pas en 1966. Ni d’ailleurs en 1989.
Nous avons aujourd’hui un espace de débats qui empêche l’intoxication et la rumeur. Eléments à la base de la culture de la haine qui a alimenté ces deux dates.
«Ceux qui ne peuvent se rappeler le passé sont condamnés à le répéter» (George Santayana). C’est ce qui nous arrive pour avoir ignorer le devoir de mémoire. Pour avoir voulu faire l’économie de pans entiers de l’histoire récente du pays. Nous avons voulu faire semblant d’oublier au moment où on ne faisait que reporter sine die. De dépasser alors que nous ne faisions que contourner…
On en est à nous retrouver cycliquement confrontés aux mêmes problèmes. Y compris celui des langues. Constamment (ré)animé par les mêmes groupes politiques qui en font un fonds de commerce et un moyen de pression… heureusement que les démagogues n’ont plus l’influence qu’ils avaient… ils n’ont plus que la parole… une parole en l’air… même si elles font revenir le débat en arrière… et le pays avec.
Espérons que ces tentatives fassent partie des derniers soubresauts des forces centrifuges qui ont empêché ce pays d’avancer. Et de régler certains de ses problèmes.
Tout comme l’allégeance de certaines figures politiques au guide la révolution libyenne. Elle fait partie de ces manifestations qui ajoutent à la confusion et à la peur qu’on veut entretenir pour remettre à plus tard le changement promis.
On a vu des chefs de partis et deux députés au moins prêter allégeance publiquement au chef de la révolution arabe version libyenne. Les discours des «sujets» sont clairs. Nonobstant ce qu’ils peuvent représenter, ces acteurs ont posé problème au pays par leur acte d’allégeance. Comment faut-il réagir ?
Il y a ceux qui préconisent une forte réaction du pouvoir, «l’application de la Constitution pour sévir». Ceux qui disent que les pôles politiques doivent réagir d’abord. On a vu la réaction de la coordination de l’opposition (COD), mais pas celle de la majorité. Certains observateurs demandent aux deux pôles d’exclure ceux parmi leurs alliés qui ont participé à l’acte d’allégeance.
Quoi qu’on en dise, cette allégeance refait sortir la problématique de la relation avec l’étranger. Quelle relation entretenaient les Baaths avec l’Irak de Saddam Hussein ? ceux de l’Alliance pour une Mauritanie démocratique (AMD) avec le Maroc ? ceux du Front de libération des africains de Mauritanie (FLAM) avec le Sénégal et la France ? ceux des Islamistes avec l’Arabie Saoudite ? et surtout jusqu’où peut-on aller dans des relations avec l’extérieur ?
Dans un pays comme le nôtre – longtemps contesté dans ses frontières, relations extérieures déterminées par les rapports internes, politique du ventre dominante dans les prises de position… – dans un pays comme celui-là ne devrait-on pas être plus regardant, plus prudent, plus modéré… ?
Quand on suit l’émission d’Al Jazeera sur les coups d’Etat en Mauritanie, on est frappé par l’irresponsabilité des acteurs, la désinvolture… Ould Mohamed Salek qui refuse de faire le constat de la prise de pouvoir par l’Armée. Ould Haidalla qui refuse d’avoir un mot de regret vis-à-vis de ceux qui ont souffert des effets néfastes des premières années de braise qui correspondent à ses années de règne. Ould Hanenna qui oublie que «sa» rébellion a provoqué la mort de 17 personnes dont le chef d’Etat Major de l’époque, unanimement apprécié…
Un peu d’humilité aurait été salutaire à nos putschistes qui nous ont causé tant de torts. Qui nous en causent encore en refusant d’avoir une pensée pour nos morts, nos blessés, nos symboles… en refusant aussi de reconnaitre le rôle qu’ils ont eu dans le déraillement du projet Mauritanie.
En les regardant, je me disais que le pays a bénéficié d’une baraka. La situation aurait été pire. Heureusement pour le pays que la première génération de ces officiers n’a duré que le temps qu’elle a duré. C’est déjà assez pour déstructurer. Heureusement que les jeunes n’avaient pas pris le pouvoir. on sait aujourd’hui ce qui nous attendait. Finalement on s’en tire à bon compte.
Source : La Tribune (Mauritanie)
N°494 du 29 mars 2010