Mohamed Ould Abdel Aziz venait de franchir un pas, important, sur le chemin de la réconciliation nationale, en imputant la responsabilité de ces tragiques évènements au pouvoir de l’époque, celui de Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya. Aux ayant-droits des victimes, Mohamed Ould Abdel Aziz promettait de faire un «geste» mais pas de «diya», encore moins de poursuite judiciaires de l’Etat contre les auteurs de ces massacres. Pour le collectif des orphelins et veuves (COVIRE), qui a négocié avec le général et son directeur de cabinet militaire, Dia Adama, l’accord obtenu est «historique», certains ayant-droits disant, même, qu’Ould Abdel Aziz était venu «effacer les larmes» des victimes qui n’avaient, jusqu’ici, jamais trouvé une oreille attentive de la part du pouvoir. Mais, pour de nombreuses organisations humanitaires qui ne cessaient de se battre pour un règlement de ce qu’il est convenu d’appeler le «passif humanitaire», l’accord concocté entre le général et le COVIRE n’était, plus ou moins, qu’un «marchandage», «un bradage», même, des droits, non seulement des victimes et des ayant-droits mais, aussi, de toute la communauté négro-mauritanienne ; elles ont, même, dénoncé l’opacité et la manière dont l’accord a été négocié et le recensement effectué.
Les rescapés attendent toujours
Quoiqu’il en soit, les ayant-droits ont, presque tous, bénéficié de «réparations» en espèces et, aussi, de terrains à usage d’habitation. «Juste un réconfort moral», explique un adversaire de l’accord. Mais, pour les responsables du COVIRE, l’arrangement concocté avec le général Ould Abdel Aziz n’est qu’un premier pas, sur le chemin de la réconciliation nationale, pour une résolution, globale, des questions liées à la cohabitation des diverses communautés mauritaniennes.
De fait, si un pas est, manifestement, déjà franchi, grâce aux réparations, certes modiques mais réelles, accordées aux ayant droits, beaucoup d’écueils se dressent, encore, sur le long chemin de la réconciliation. Parmi eux, il y a la question des rescapés militaires, révoqués, arbitrairement, de l’armée, après avoir souffert dans leur chair et dont certains continuent à vivre le calvaire du chômage. Quelques-uns, rares, ont pu bénéficier de pensions. Selon nos informations, COVIRE, l’organisation que dirige Sy Abou, un lieutenant rescapé, travaillerait pour que tous puissent bénéficier de pension et que certains, encore actifs, puissent reprendre du service sous le drapeau. L’ONG travaille, également, pour l’obtention de bourses aux enfants des victimes, des soins médicaux gratuits, etc. La tâche n’est pas facile, dans la mesure où ces rescapés risquent de se retrouver, nez à nez, avec leurs anciens tortionnaires. Autre handicap majeur, c’est qu’avec le réveil de quelques démons nationalistes agitant, depuis peu, l’épouvantail de l’arabisation, ces rescapés sont indésirables, au sein de l’armée. Le signal a été donné, à travers les recrutements, dans les forces armées et de sécurité et des voix ne cessent de s’élever, pour dénoncer la portion congrue accordée aux Négro-mauritaniens et aux Haratines dans ces différents corps.
Le troisième handicap est lié au retour des déportés. En effet, depuis leur rapatriement, nombre d’entre eux peinent à retrouver leurs terres, notamment, les champs, ou, même, à se réinstaller dans leur village. Les autorités administratives continuent, en toute impunité, à faire obstruction, comme si nous étions en période d’exception, alors que le président Ould Abdel Aziz avait promis de trouver une solution à toutes ces tracasseries.
Une année après le discours et la prière des morts à Kaédi, le bilan semble assez mince. Les partenaires le reconnaîtront-ils, avant de s’engager à accélérer le processus?
DL
Source : www.lecalame.mr le 24/03/2010