L’opposition réunie organise un grand meeting à Nouakchot: Premier test réussi

La Coordination des Forces de l’Opposition Démocratique (CFOD), qui regroupe neuf partis politiques, a organisé, dans l’après-midi du  mercredi 23 décembre, une marche, suivie d’un meeting à la place des

anciens blocs.
Pour l’Alliance Populaire Progressiste (APP), l’Union des Forces de Progrès (UFP), le Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD), le Pacte National pour la Démocratie et le Développement (PNDD-ADIL), le Rassemblement Pour la Mauritanie (RPM), l’Alternative, le Parti pour la Liberté, l’Egalité et la Justice (PLEJ), cette manifestation – premier véritable test, après la déroute de la présidentielle de juillet – a  servi de rentrée politique, en attirant plusieurs milliers de militants, sympathisants et, plus anecdotiquement, partisans de circonstance.

Tous les leaders étaient là et ont pris la parole pour dire le «bien» qu’ils pensent du pouvoir actuel: Messaoud Ould Boulkheir, président de l’Assemblée nationale, Ahmed Ould Daddah, ex-chef de file institutionnel de l’opposition, Mohamed Ould Maouloud (UFP), Yahya Ould Ahmed Waghef (ADIL, ex-Premier ministre),  Ba Mamadou Alassane (PLEJ), etc. Présence, remarquée, des proches des banquiers et hommes d’affaires détenus, à titre «préventif» pour «détournement», dans une affaire les opposant à la Banque Centrale de Mauritanie (BCM). Concernés et fortement mobilisés, ceux-là ont grandement contribué à surchauffer l’ambiance.
Faisant preuve d’intelligence politique, tout à l’intérêt de la démocratie et de la République, le pouvoir a autorisé la marche et le meeting qui se sont déroulés sans problème. Les éléments des compagnies de police déployés sur les lieux et aux alentours, dès le début de l’après-midi, ont tout juste veillé au grain, pour prévenir d’éventuels débordements.
Cerise sur le gâteau: la TVM était de la partie, couvrant l’événement, dans une nouvelle option en rupture, semble-t-il, avec les mauvaises pratiques du passé, dont la dernière illustration  en date a été enregistrée, début-décembre, lors, justement, de la naissance de la nouvelle coordination. Peu importe que le micro-trottoir qui suivit le reportage sur le meeting ait donné lieu à un évident déséquilibre quant à la représentation des opinions, ne donnant la parole qu’aux «partisans» de la lutte contre la gabegie: le progrès est incontestable.

Le  triptyque de la déprime
En cet après-midi de décembre, l’exercice populaire de la nouvelle coordination de l’opposition  a permis à celle-ci de dénoncer, haut et fort, la montée de «l’insécurité, l’arbitraire et la hausse des prix», triptyque dépressif à l’origine d’un véritable malaise collectif. Une course vers l’abîme où la CFOD perçoit l’image d’une Mauritanie en «danger». L’entière responsabilité de  ce sombre tableau sombre est imputée  au pouvoir du président Mohamed Ould Abdel Aziz, ex-général d’armée, «incapable» d’assurer la sécurité du pays.
En insistant sur la détérioration de la situation sécuritaire, les opposants parlent, évidemment, de la multiplication, inquiétante, des attentats terroristes attribués à la nébuleuse Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). Illustrations les plus récentes: deux rapts d’occidentaux (espagnols et italiens), embarqués vers des endroits très distants du territoire national, en l’espace de trois semaines. Mais, aussi, d’actes de banditisme, dans les grands centres urbains et, tout particulièrement, à Nouakchott.
Au cours du même meeting, la  CFOD a, également, exprimé sa vive préoccupation quant à la hausse, continue, du coût des denrées de première nécessité, synonyme de dégradation, sensible, des conditions de vie des populations. Messaoud Ould Boulkheir, Ahmed Ould Daddah et leurs amis ont, aussi, déploré la totale absence de concertation autour des grands problèmes nationaux alors que le pays est confronté à une multitude de défis.
Pour dire non à «l’arbitraire» les responsables de l’opposition ont signifié leur rejet, catégorique, de la démarche du pouvoir «instrumentalisant» la lutte contre la gabegie pour arrêter des «adversaires politiques». Ils ont exigé la libération «immédiate et sans condition» de Chrif Ould Abdallahi, Mohamed Ould Noueigued et Abdou Maham.

Faillite économique «imminente»
De fait, la  manifestation de mercredi dernier fut l’occasion d’attirer l’attention de l’opinion nationale et internationale sur le poids des opérateurs économiques incarcérés. Un document, distribué pour la circonstance, s’attaque à un régime «totalitaire, dévastateur de l’économie nationale et menaçant pour la paix sociale» et souligne le rôle des personnalités arrêtées, dans les équilibres économiques et sociaux de la Mauritanie : 13.000  d’emplois directs et indirects, au bas mot, (second pôle d’employeurs, après l’Etat). Du coup, l’incarcération des trois hommes devient synonyme d’«augmentation du chômage, privant des milliers de familles de leurs revenus. Arrêt du fonctionnement et de la production de dizaines d’entreprises».
Pour les auteurs du document – dont les chiffres gagneraient à être vérifiés, dans un pays où la fiabilité des statiques économiques, surtout dans le secteur privé, n’est pas encore solidement établie, pour diverses raisons – les trois banquiers et  hommes d’affaires, détenus dans l’affaire de détournement présumé, représentent 60% des importations de denrées de base – en particulier le riz et le blé – 30% des recettes douanières et fiscales, de l’activité bancaire et financière, et des ressources du patronat national. Une manière de dire que la détention, prolongée, de ces hommes fait courir, à l’économie nationale, un réel risque de «faillite».
En sortant dans la rue, mercredi dernier – la politique, tout comme la nature, a horreur du vide – l’opposition tenait à rappeler son existence, au peuple mauritanien, malgré la terrible gifle de l’élection présidentielle. Cependant, au-delà des positions partisanes,  il faudrait bien que toute la classe politique – majorité et opposition – s’attachent, avec la société civile, à développer le dialogue, valeur républicaine fondamentale. Condition incontournable pour faire face aux défis politique, sécuritaire, économique et social, dans une bande sahélo-saharienne en proie à toutes les dérives.

Amadou Seck

 

Source   :   www.lecalame.mr le 30/12/2009

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