Economie africaine : y a-t-il une vie après le boom des matières premières ?

«Le temps est venu d’accélérer la transformation de l’Afrique. La croissance actuelle du continent, portée par les matières premières, ne crée pas assez d’emplois».

Tels sont en substance les mots de Carlos Lopes, secrétaire général exécutif de la Commission de l’Union Africaine, le 4 avril 2016, à l’ouverture de la 9 ème réunion annuelle conjointe entre la Commission de l’Union Africaine et la Commission Economique Africaine.Cette rencontre qui réunit près d’une centaine de ministres des Économies, Finances, Budget, et Développement et un millier d’experts, de leaders d’opinions et de médias intervient dans une conjoncture assez particulière.

En effet, 42 des 46 classes de produits de base répertoriés par la banque mondiale affichaient leurs prix les plus bas depuis le début des années 80. Dans son ensemble, l’Afrique a enregistré le plus grand déficit de sa balance de paiement courant sur ces dix dernières années.

Dans le fond, l’impact de cette conjoncture est à relativiser, la plupart des économies africaines étant importatrices nettes de produits de base. L’augmentation du pouvoir d’achat sensé résulter de la baisse des produits pétroliers pourrait stimuler la consommation et la croissance dans certains pays.

Du point de vue macroéconomique, le continent présente aujourd’hui un ratio de dette sur PIB de 30% bien loin des pays développés. A titre d’exemple, le Japon est endetté à hauteur de 230% de son PIB.

Mais, en dépit de son profil mathématiquement peu endetté, l’Afrique, déjà sous pression sur ses réserves de change et  sa balance de paiement courant, risque de subir les contraintes les plus fortes par rapport au rétrécissement du marché de la dette.

Ces contraintes extérieures devraient, comme le suggère la présidente de la Commission de l’Union Africaine, Dlimani Zuma, militer pour le  parachèvement des  institutions africaines dans le cadre de l’agenda 2063.

Un point de vue partagé par le premier ministre du Congo, Matata Ponyo, qui estime que l’Afrique est entrain de passer d’une économie de rente à une économie de production, produit de la transformation structurelle, de la combinaison des facteurs de production, de la formation du capital humain etc… «Dans ce cas, souligne M.Ponyo, l’économie n’est plus à la merci des cycles de matière première».

Mettant l’accent sur l’impact du changement climatique, qui met en évidence les insuffisances des forces du marché, le premier ministre demande à l’Etat de jouer pleinement son rôle. Le congolais appelle à intégrer les deux agendas, celui de l’intégration de l’Afrique et celui des ODD, dans les programmes nationaux de développement. Ce qui sous enten  une « synergie tant au niveau national, régional que continental »

Toute la question est de passer de la conception de la stratégie à sa mise en oeuvre au plan national, régional et continental. L’Ethiopie par la voix de son premier ministre déclare avoir mis en place une commission nationale de planification pour intégrer ces objectifs continentaux et globaux.

La remontée de la pente passe par un changement d’une perception de l’Afrique financièrement très coûteuse. Ainsi,  «la fièvre Ebola qui n’a touché que 3 pays a fait perdre au continent africain, large de 30 millions de km2,  quelque 30 milliards de dollars», rappelle  M. Lopes. C’est dire qu’au delà des agrégats, le développement est aussi une question de perception.

« L’Afrique doit maîtriser la narration son histoire », préconise  M. Lopes qui sait, en économiste, que la perception de la corruption et du risque se traduisent immanquablement par l’envolée des spreads liés aux Eurobonds et titres de dettes  africains, des pricing des lettres de crédit, de la hausse des primes de l’assurance crédit et des couvertures risque pays.

Ce changement de perception passe non seulement par la maîtrise des statistiques et du récit mais aussi par l’implication de l’Afrique dans les questions internationales. A ce propos, l’année 2015 marque une donne nouvelle. Le continent a joué un rôle moteur dans l’adoption des agendas de développement durable (ODD) en abritant la réunion d’Addis Abeba sur le financement du développement en juillet 2015 en prélude de celle de septembre 2015 , à New York, sur l’adoption finale des objectifs 2030. De même l’Afrique a joué un rôle précurseur en mettant en exergue les flux financiers illicites et l’évasion fiscale.

Adama WADE

 

Source : http://www.financialafrik.com/

 

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