Coupe du monde 2022 : Kylian Mbappé, une ambition qui va bien au-delà du terrain

Récit - Très attendu au Qatar, l’attaquant de l’équipe de France réfléchit, à 23 ans, à sa place dans l’histoire du football. Il assume aussi un rôle de leader générationnel, avec le risque de s’exposer aux critiques.

Le Monde – Kylian Mbappé le dit lui-même : « Le football, il a changé. » La phrase est devenue un peu sa signature, détournée à l’envi sur les réseaux sociaux, au même titre que sa frappe enroulée du pied droit. Le football a changé, et l’attaquant de 23 ans en est la preuve vivante, le 23 mai, dans l’auditorium du Parc des Princes. Accent gaullien (« J’ai eu l’appel de la patrie et de la capitale »), verbe maîtrisé et costume-cravate, Mbappé disserte sur sa prolongation de contrat avec le Paris Saint-Germain (PSG). Ce jour-là, il évoque aussi les appels du pied d’un supporteur de l’Olympique de Marseille, désireux de le voir rester à Paris, Emmanuel Macron.

 

Le président de la République n’assiste pas aux débuts de l’équipe de France dans ce Mondial 2022 contre l’Australie (mardi 22 novembre, au stade Al-Janoub, à Al-Wakrah) et ne doit s’envoler pour le Qatar qu’en cas de demi-finale des Bleus et de celui qu’il appelle affectueusement « Kylian ». Cette relation directe avec le chef de l’Etat a suscité certains fantasmes. L’entourage de Mbappé tord le cou au principal : non, le joueur n’a pas décliné les avances du Real Madrid sur consigne de l’Elysée.

En revanche, il a bien accepté de prêter son image à la campagne de vaccination contre le Covid-19. Emmanuel Macron lui en a été reconnaissant. « Pour la vaccination, contre la violence, en communion avec les émotions du pays, Kylian Mbappé a une conscience rare de son rôle, du poids de ses mots, de la force de ses actes », développait-il dans une contribution à L’Equipe, en janvier.

 

Dans le paysage du sport français, Kylian Mbappé est un objet disruptif en rupture avec le « cours et tais-toi » souvent assigné aux champions. Lui assume d’être la voix d’une génération, prend position sur les violences policières, le racisme, et dit sa fierté d’être Français. « Kylian est sociétalement investi, il est conscient d’être à la charnière de deux générations et veut envoyer des messages positifs, dit au Monde son avocate, Delphine Verheyden. Il est attendu beaucoup de lui. Mais si être exemplaire fait partie des devoirs d’un sportif très en vue, cela ne peut pas conduire à lui faire systématiquement porter tous les maux de notre société. »

Droit à l’image, partenaires, fondation et contrat, cette juriste occupe un rôle central dans l’entreprise Mbappé au côté d’une autre femme d’influence, Fayza Lamari, la mère du champion du monde, qui est chargée de sa communication avec l’agence Patricia Goldman. La PME des débuts – quatre employés en 2018 – grandit vite. Aujourd’hui, elle compte une trentaine de salariés, plus des prestataires, pour gérer les réseaux sociaux, les partenaires ou encore sa fondation, Inspired by KM, à destination des jeunes, lancée au mois de janvier.

 

Pour l’instant, les locaux parisiens, dans le quartier de la Madeleine, sont encore assez spacieux pour l’entreprise Mbappé. Aux murs, le visiteur aperçoit une photo du prodige alors adolescent en compagnie de Cristiano Ronaldo, sa « une » du Time de 2018, ou encore un autographe signé de la main de Pelé. Légende du XXe siècle, le Brésilien l’a très tôt adoubé comme son héritier pour le suivant, aidé en cela par le fait que tous deux sont ambassadeurs d’une même marque.

 

« Marquer l’histoire de son sport »

 

Vertigineux pour beaucoup, mais pas pour Kylian Mbappé, dont l’objectif n’est pas seulement de créer une marque, mais de se réaliser en tant que joueur, exprimer ses idées et leur donner corps en dehors du terrain. Depuis sa chambre d’enfant de Bondy (Seine-Saint-Denis), le garçon s’est préparé à un tel destin. Il a répondu à des interviews imaginaires ou dévoré une biographie de Michael Jordan. Non pas pour savoir comment le basketteur américain enfilait les paniers, mais pour comprendre « comment on construit une carrière comme la sienne », confiait-il à L’Obs en 2021.

 

La comparaison s’arrête ici. « Un Jordan a une image construite, une épaisseur finie, note Delphine Verheyden. Kylian ne veut pas être une icône, car une icône n’a pas le droit à l’erreur. Il dit qu’il veut marquer l’histoire de son sport et faire bouger les lignes. Il a une feuille de route. On l’accompagne pour cela. » Avec les Bleus, sa récente fronde pour réviser la convention qui régit le droit à l’image des internationaux depuis 2010 en est le meilleur exemple.

Le Francilien exige d’avoir son mot à dire sur les opérations commerciales des partenaires de la Fédération française de football (FFF). Et n’hésite pas à partir au bras de fer avec l’instance. Le dossier traîne depuis quatre ans sur le bureau de sa directrice générale, Florence Hardouin. Afin de débloquer la situation, Mbappé « sèche », en mars, une séance photo pour une opération de sponsorisation. Avant ce boycott, « la FFF n’a jamais voulu régler le problème et cherchait seulement à le contenir », dit Me Verheyden.

 

Depuis, Kylian Mbappé a reçu le soutien de coéquipiers influents, comme Raphaël Varane et Hugo Lloris. « La jeune génération n’est plus disposée à associer son image à n’importe quel produit ou à n’importe quelle valeur. Et Kylian incarne l’arrivée de cette nouvelle génération », défend son avocate. La nouvelle convention prendra effet en janvier 2023.

Cette image, son client l’associe avec parcimonie à quelques partenaires (Nike, Dior, Oakley, Electronic Arts, Mengniu ou Hublot). « Quand vous travaillez avec de nombreuses marques, c’est souvent au détriment de la qualité de la vôtre. Le phénomène de rareté va être abîmé. Avec Mbappé, on est sur une sélection assez fine », note Jean-Philippe Danglade, professeur de marketing du sport à la Kedge Business School.

Démarche sincère ou non, une marque mondiale doit, en 2022, afficher « un engagement responsable et social », dit l’enseignant. « Un des axes de développement sera d’avoir un positionnement précis pour sa fondation, une grande cause, poursuit-il. Pour l’instant, c’est un engagement multi-actions. Le risque, c’est que quand il s’engage contre la malbouffe, on va lui rétorquer qu’il ne dit rien sur les droits humains au Qatar, qui est son employeur au PSG. »

 

A l’approche de ce Mondial controversé, le Français a, a contrario, opéré une diète médiatique. Un hasard ? Le joueur dit viser un nouveau sacre et ne souhaite pas commenter l’attribution du tournoi à l’émirat, une décision prise quand lui n’avait que 12 ans.

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Source : Le Monde

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